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27 septembre 2024
Auteurs et autrices : Sami Labat Tahri
Contributeurs & contributrices : Hughes-Marie Aulanier, Pierre Maquet

Les data centers dans l’espace sont-ils un levier pour décarboner le secteur digital ?

Mandaté par la Commission Européenne dans le cadre du projet ASCEND qui a réuni un consortium d’acteur [1] sous le leadership de Thales Alenia Space, Carbone 4 a mené une étude de faisabilité ayant pour objectif de déterminer sous quelles conditions techniques le scénario “data center dans l’espace” (SDC) pouvait être moins émissif d’un point de vue carbone que l'option “data center terrestre” (TDC).

 

Un « Space Data Center », c'est quoi ?

Le concept de « Space Data Center » (SDC) propose de placer des centres de données en orbite autour de la Terre, alimentés par des panneaux photovoltaïques, à l'instar des satellites.

Pour surpasser les data centers terrestres (« TDC ») en termes d'empreinte carbone, le SDC fait l’hypothèse d’un facteur de charge plus élevé des panneaux solaires en orbite par rapport à ceux situés sur Terre, et d’une dissipation thermique optimisée pour gérer la chaleur produite par les centres de données.

Pour limiter les émissions, la mise en orbite s’effectuerait grâce à des lanceurs optimisés sur le plan environnemental (p.ex. avec des ergols bas-carbone) et réutilisables.

 

Les résultats de l'étude Carbone 4

La première partie de l’étude prospective a d’abord permis d’évaluer que plus de 70% de l'empreinte carbone du SDC proviendrait de la mise en orbite des data centers (couvrant les émissions liées à la production des engins de lancement, à la production des carburants et les émissions produites lors du lancement par la fusée). 

Ci-dessous, le détail des résultats :

Répartition des émissions en analyse du cycle de vie du TDC et du SDC

La seconde partie de l’étude a permis de déterminer que le bénéfice carbone du SDC (par rapport au TDC) était assujetti à un véritable exploit de la part du spatial européen, notamment pour réussir à proposer le lanceur le plus bas-carbone du monde. En effet, afin de réduire significativement la production de CO2 du stockage et du traitement des données numériques, les résultats de l’étude estiment que de telles infrastructures spatiales nécessiteraient le développement d’un lanceur dont l’intensité carbone par kg de charge utile serait divisée par dix sur l’ensemble de son cycle de vie.

 

Limites du projet

Enfin, la dernière partie de notre étude s’est attachée à mettre en exergue plusieurs limites entourant les résultats des travaux que nous avons menés et qui sont importantes à rappeler :

  • L'étude ne prend pas en compte les émissions en haute atmosphère, et notamment des dynamiques de réchauffement entre la stratosphère et la troposphère
  • L'étude n'a pas permis d'investiguer les éventuels effets rebond du SDC, et notamment la croissance de l’utilisation de données que cette technologie pourrait induire en en facilitant l’accès
  • L’étude n’a pas non plus permis d’investiguer les éventuels effets rebonds liés à l’élaboration d’un lanceur lourd, et notamment de la croissance du volume de charge utile mis en orbite qu’un tel lanceur pourrait induire à long terme
  • Une zone d'ombre subsiste également sur l’empreinte environnementale des matières premières minérales (cuivre, nickel, cobalt, terres rares, etc.) nécessaires au SDC

Rappelons toutefois qu’un tel projet ne doit pas occulter un principe cardinal dans la bonne marche de la transition : celui de la sobriété. Aussi, ce projet ne saura être pertinent que s’il s’attache à assurer un échange de données nécessaires et critiques pour les sociétés humaines, et non s’il vise à transposer dans l’espace toutes les utilisations numériques aujourd’hui à l’oeuvre. En effet, au-delà du climat, c’est l’ensemble de l’empreinte environnementale (pollutions des eaux, de l’air et de la biodiversité) des filières spatiales et numériques que l’on doit interroger (et réduire !) au travers d’un tel projet.

 

Pour plus d’information :


Résilience
Evaluation d'impact