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24 mars 2022
Auteurs et autrices : Alice Gandara

Les impacts du changement climatique sur les sociétés humaines

Analyse des schémas du rapport du Groupe II du GIEC

Introduction, de quel schéma parlons-nous ?

Présenté dans la synthèse pour décideurs du rapport du Groupe II du GIEC[1], ce schéma[2] propose une vision synthétique des conséquences du changement climatique pour trois grands domaines qui sont : 

  1. L’accès à l’eau et la production alimentaire ;
  2. La santé et le bien-être des populations ;
  3. Les villes, établissements et infrastructures.

Il synthétise les conclusions d’un grand nombre d’études scientifiques sur les impacts du changement climatique sur les systèmes humains, à l’échelle mondiale ou dans différentes régions du monde. Pour mieux comprendre, le schéma indique le niveau de confiance quant à la responsabilité du changement climatique dans la perturbation des systèmes humains. Les pastilles en bleu signifient ainsi un niveau de confiance élevé à très élevé, en violet un niveau moyen, etc. Les symboles « plus » et « moins » apportent également quelques précisions quant à la nature de cet impact : négatif uniquement (-) ou négatif et positif selon le contexte (±). 

Accès à l’eau et production alimentaire

La ressource en eau et la production alimentaire (via l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’aquaculture) subissent les impacts du changement climatique : 

  • Des impacts uniquement négatifs dans trois régions du monde que sont l’Afrique, les petites îles et la région méditerranéenne.
  • Des impacts positifs et négatifs dans les autres régions et à l’échelle mondiale. Plus précisément, en ce qui concerne la productivité agricole, les impacts négatifs du changement climatique sont principalement observés dans les régions de moyenne et basse latitude, et les impacts positifs dans les régions de haute latitude.

A l’échelle mondiale, si la productivité agricole continue d’augmenter, le changement climatique est responsable du ralentissement de cette croissance sur les 50 dernières années. Mieux prévoir les conséquences locales du changement climatique sur la ressource en eau et la production alimentaire constitue donc un enjeu majeur pour la quasi-totalité des pays du monde. Il s’agit également d’un enjeu économique pour bon nombre d’entreprises :

  • En premier lieu, pour les acteurs du secteur agricole, de l’agroalimentaire, de la pêche et de l’aquaculture qui voient directement leur source de revenus menacée. À titre d’exemple, dans la quasi-totalité des régions du monde, le changement climatique devrait impacter négativement les rendements de pêche et la production aquacole : un risque pour tous les acteurs qui exploitent ou dépendent des ressources marines. Pour ces derniers, analyser dès aujourd’hui leur vulnérabilité au changement climatique, c’est favoriser leur résilience dans les prochaines années, et celle de la société dans laquelle ils s’inscrivent.
  • Ensuite, pour l’ensemble du monde économique : quand l’eau ou les produits alimentaires viennent à manquer, toute la société est affectée, car ces ressources forment un des socles de la stabilité des états. Dans les années 80, le Maroc est frappé par une révolte populaire qui touche tout particulièrement Casablanca, renommée révolte du pain. Plusieurs facteurs expliquent cette crise qui cible le coût des produits alimentaires : un contexte économique dégradé et une baisse des subventions de l’état sur les produits de première nécessité auxquels s’ajoutent d’importantes vagues de sécheresse qui frappent le pays depuis 1979[3]. Le changement climatique peut ainsi être un facteur aggravant conduisant à l’instabilité sociale et économique des pays.

Santé et bien-être des populations

Le second domaine, sur la santé et le bien-être des populations, cible quatre grandes catégories de risques : 1. La propagation ou l’apparition de maladies infectieuses, 2. La souffrance face à la chaleur et à la malnutrition, 3. La dégradation de la santé mentale des populations, et 4. Les déplacements de populations sous l’effet du changement climatique. Quatre catégories sur lesquelles le changement climatique ne devrait avoir que des impacts négatifs !

Plus précisément, concernant la santé physique des populations, le changement climatique est responsable, à l’échelle mondiale : de l’augmentation de l’occurrence des maladies d’origine alimentaire ou hydrique, de l’extension de l’aire d’apparition de maladies à transmission vectorielle et de l’émergence de zoonoses dans de nouvelles régions du monde.  

Les thèmes de la santé et du bien-être des populations constituent un enjeu de justice sociale, dont doivent se saisir les états, mais pas seulement : ils concernent aussi tous les acteurs du monde économique. La crise du Covid l’a parfaitement démontré : assurer le bien-être physique et mental des populations c’est également garantir le bon fonctionnement des entreprises. Construire la résilience climatique en tenant compte des impacts du changement climatique sur le bien-être et la santé des populations constitue donc un double enjeu social et économique pour tous les acteurs de la société civile. 

Villes, infrastructures, équipements et secteurs économiques clés

Ce dernier domaine d’impacts est peut-être celui pour lequel les conséquences du changement climatique sont les plus faciles à visualiser : le changement climatique, à l’échelle mondiale et dans la quasi-totalité des régions du monde, menace le bon fonctionnement et l’intégrité des villes, infrastructures et équipements ainsi que les secteurs économiques clés. 

Ces dégradations ou destructions, principalement liées à la survenue d’évènements climatiques extrêmes, sont souvent assez localisées et constituent un enjeu fort pour les acteurs du monde économique qui peuvent être directement affectés. 

Entre deux entreprises, ou entre deux sites d’une même entreprise, l’exposition aux aléas climatiques extrêmes varie. Ces dégradations peuvent également ne pas affecter l’entreprise elle-même, mais un acteur de sa chaîne de valeur, une infrastructure servant au transport de marchandises ou les réseaux dont elle dépend (par exemple les réseaux électrique et gazier). Pour un acteur du monde économique, étudier la vulnérabilité de ses seuls sites aux aléas climatiques ne suffit pas, c’est véritablement une vision chaîne de valeur qu’il faut développer. 

Conclusion

Que conclure à la lecture de ce schéma ? En premier lieu, qu’il est possible d’aller beaucoup plus loin dans la compréhension de la manière dont le changement climatique affecte les sociétés humaines. L’exercice que nous avons fait ici ne visait qu’à indiquer quelques conclusions parmi les nombreuses pouvant être tirées de ce schéma ; il ne visait pas à être exhaustif.

Ensuite, que le risque climatique est multidimensionnel : il n’affecte pas une seule dimension des sociétés humaines, mais la totalité du monde dans lequel nous vivons. Dans un contexte de mondialisation, aucun acteur, public ou privé, ne peut estimer ne pas être concerné par les conséquences du changement climatique. 

Le schéma force également à percevoir le caractère interdépendant de la résilience climatique : pour une entreprise, étudier sa propre vulnérabilité aux risques physiques en intégrant la totalité de sa chaîne de valeur et inciter les acteurs dont elle dépend à faire de même, c’est se donner les moyens de l’adaptation, c’est favoriser sa résilience, ainsi que celle de la société dans laquelle elle s’inscrit.

 

La vision chaîne de valeur est un des principes sur lesquels est fondée la méthode OCARA, développée par Carbone 4 en partenariat avec l’ADEME, HDI Global France, Bureau Veritas et la CCI Grand Est. OCARA fournit une méthodologie permettant la réalisation d’un diagnostic de résilience climatique et le lancement d’une démarche d’adaptation. 


Résilience
OCARA
Adaptation