Depuis sa condamnation, l’État français s’est-il donné les moyens de son ambition climat ?
Cette étude est la mise à jour de l’étude de février 2021 : L'État français se donne-t-il les moyens de son ambition climat ?
Consulter l'étude de 2021
Elle a été réalisée à la demande des quatre associations de « l’Affaire du Siècle » (Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous, Oxfam France) dans le cadre de leur action en justice contre l’État.
Résumé de l’étude
Contexte
En 2020, les quatre organisations de l’Affaire du Siècle (Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous, Oxfam France) se sont engagées dans le recours, initié par la commune de Grande-Synthe, contre l'État français fondé sur l'insuffisance des mesures adoptées pour atteindre les engagements climatiques nationaux et communautaires de la France à l’horizon 2030. Par une décision du 1er juillet 2021, le Conseil d'État a reconnu cette insuffisance et a enjoint à l'État de prendre, avant le 31 mars 2022, "toute mesure utile” afin d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixées par l'article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018.
Le recours s'appuyait notamment sur le rapport d’expertise technique de Carbone 4 “L’État français se donne-t-il les moyens de son ambition climat ?”, publié en février 2021. Le raisonnement de l’étude était le suivant : pour respecter la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée par la Stratégie nationale bas carbone, la France doit nécessairement atteindre ses objectifs sur 11 leviers structurants de l’action climat. Inversement, le non-respect de tout ou partie de ces 11 objectifs condamne nécessairement la France à un non-respect de sa trajectoire climat. Le rapport de Carbone 4 de février 2021 concluait à une insuffisance des mesures sur 9 des 11 paramètres listés.
La présente analyse vient évaluer l'impact des nouvelles mesures adoptées par l'Etat entre janvier 2021 et mars 2022 sur ces 11 paramètres structurants, afin de déterminer si ces nouvelles mesures sont suffisantes pour respecter la trajectoire de réduction des émissions de GES que la France s'est engagée à atteindre à l’horizon 2030. La méthode utilisée reste identique à celle du premier rapport.
Conclusion de l’étude
Sur les onze paramètres structurants des trois secteurs les plus émetteurs de GES en France (transport de personnes, logements, agriculture), les mesures adoptées depuis janvier 2021 n'en font évoluer significativement que trois à l’horizon 2030 :
- La part de véhicules à faibles émissions dans le parc de véhicules en 2030 passerait de 3% à 11%, permettant fortement de se rapprocher de la cible de 15% de la SNBC. Les deux principaux facteurs de cette amélioration sont l’obligation de part minimale d’achat de véhicules à faibles émissions, issue de la Loi Climat et Résilience, et les ventes records de ces véhicules en 2021 qui viennent renforcer significativement la dynamique ;
- Le nombre de logements chauffés au fioul atteindrait désormais le bon niveau en 2030, soit moins de 1,1 millions de logements, grâce à l’interdiction des chaudières fioul pour toute nouvelle installation de chauffage à partir du 1er juillet 2022 ;
- La part de l'agriculture biologique dans la surface agricole utile en 2030 évoluerait très faiblement de 19% à 20%, toujours bien en-deçà de la cible fixée par la SNBC à 32%. Cette évolution est due à la légère augmentation des dotations du Plan Stratégique National vers l’agriculture biologique, qui restent néanmoins amplement insuffisantes puisque l’objectif est manqué de douze points.
Ainsi, trois paramètres sur onze atteignent désormais la cible SNBC en 2030, contre deux dans l’étude de l’année dernière. Les huit autres manquent leur objectif. Les nouvelles mesures prises par l’Etat depuis janvier 2021 n’améliorent donc que marginalement la trajectoire climatique de la France à l’horizon 2030.
Il est à rappeler que cette analyse, à l’image de celle du premier rapport, est particulièrement conservatrice car elle ne prend ni en compte les mesures néfastes pour le climat, ni le rehaussement des objectifs climatiques français demandé par la feuille de route européenne “Fit for 55”.
Dans l’état actuel des mesures adoptées, la France n’est structurellement pas en capacité d'atteindre les objectifs climat qu'elle s'est fixés pour 2030. Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour replacer le pays sur une trajectoire compatible avec l’objectif 2030, en vue d’atteindre la neutralité carbone du territoire en 2050.