Printemps 2022 : catastrophes en séries et menaces sur la production agricole
Le GIEC l’annonçait dans le second volet de son 6e rapport d’évaluation, paru en février dernier et dédié aux impacts du changement climatique : « Le changement climatique exercera une pression croissante sur la production et l'accès aux aliments, en particulier dans les régions vulnérables, ce qui compromettra la sécurité alimentaire et la nutrition (confiance élevée). L'augmentation de la fréquence, de l'intensité et de la gravité des sécheresses, des inondations et des vagues de chaleur, ainsi que l'élévation continue du niveau de la mer, accroîtront les risques pour la sécurité alimentaire (confiance élevée)[1] [...] »
Inondations au Canada, canicule au Nord de l’Inde et au Pakistan, inondations en Inde et au Bangladesh, sécheresse en Europe…
Voici un tour d’horizon (non exhaustif) des événements climatiques extrêmes du printemps 2022 et leurs impacts sur la production agricole. Des catastrophes en série amenées à se reproduire plus fréquemment et intensément dans les prochaines années, à mesure que nous continuons de dégrader le climat terrestre.
Sécheresse en Europe et en France :
L’Observatoire européen de la sécheresse (EDO) tient à jour des cartes qui représentent l’état de sécheresse des sols en Europe. La sécheresse de ce printemps 2022 ne touche pas uniquement la France : une bonne partie des sols européens sont plus secs que la normale, ce qui affecte en premier lieu l’agriculture (on parle de sécheresse agricole).
La France a connu un déficit de précipitations cumulées de 20% entre septembre 2021 et avril 2022 en moyenne sur son territoire métropolitain. D’après Météo France (situation à la mi-mai), les 2/3 du territoire métropolitain « connaissent déjà des sols secs à très secs ». Certaines régions ont été ou sont plus touchées que d’autres : PACA, Poitou-Charentes et Pays de la Loire, Grand-Est, Hauts de France... Fin mai, 24 départements subissent des restrictions plus ou moins drastiques d’usage de l’eau.
En parallèle du déficit de précipitations, les fortes chaleurs du mois de mai ont accéléré l’évaporation, ce qui a aggravé le phénomène de sécheresse des sols. Le manque de pluie pendant l’hiver a aussi mis à mal le rechargement des nappes et cours d’eau[2], ce qui aura probablement des conséquences sur d’autres secteurs que l’agriculture comme la production d’électricité, le tourisme, le transport fluvial.
Quels sont les impacts de la sécheresse agricole sur les cultures ?
- Les effets sur le blé et les cultures céréalières (céréales d’hiver) sont dans toutes les bouches :
- Les vagues de chaleur entre avril et juillet entraînent un risque d’échaudage (petits grains, mal formés)
- Un déficit hydrique entre avril et juin compromet le remplissage des grains
- Parmi les autres impacts, il faut aussi citer les cultures printanières type maïs, tournesol, betteraves (risque de non-germination), la vigne (croissance ralentie des rameaux et des racines, moindre floraison).
Au-delà de cet épisode particulier, c’est la tendance sur le temps long qui est inquiétante, et révélatrice des bouleversements du climat : Météo France indique que les épisodes de sécheresse sont plus fréquents depuis le début des années 2000, plus intenses, plus longs et touchent une plus grande partie de notre territoire (de 5% en moyenne dans les années 60 à 10% dans les années récentes).
Les projections climatiques mises en avant par le GIEC anticipent une augmentation des phénomènes de sécheresses sur une large partie de l’Europe (avec un haut niveau de confiance pour le bassin méditerranéen et un niveau de confiance moyen pour le Nord de l’Europe (hors pays scandinaves et Royaume-Uni, pour lesquels la tendance est encore incertaine).
Canicule en Inde et au Pakistan
L’Inde et le Pakistan ont subi une vague de chaleur inédite par sa durée (de mars à mai), sa précocité (mars est habituellement un mois relativement tempéré) et son intensité (les températures ont largement dépassé les 40°C et ont même dépassé les 50°C localement). Cette situation extrême a occasionné des pertes humaines, des incendies de décharges et de forêts, des coupures de courant, des pénuries d’eau et des pertes agricoles.
Les pertes agricoles ont motivé un blocage (sauf autorisation spéciale) par le gouvernement indien des exportations de blé, afin de sécuriser l’approvisionnement alimentaire du pays et de freiner la spéculation sur les prix. Le gouvernement table sur une réduction de 6% de la production de blé par rapport aux prévisions.
Inondations en Inde, au Bangladesh, au Canada
Fin mai, le Nord-Est de l’Inde et du Bangladesh ont été sujets à des crues et inondations éclaires historiques. Parmi bien d’autres dommages humains et matériels, des terres agricoles ont été inondées. Les impacts sur la production agricole sont en cours d’évaluation.
L’état canadien du Manitoba a été touché par de fortes pluies et une crue importante dans la vallée de la rivière Rouge. La crue serait la plus importante de la décennie d’après la NASA, ce qui retarde les semences de céréales, dénitrifie les sols et assombrit les prévisions optimistes de rendement céréaliers. Aux États-Unis, le Dakota du Nord et le Minnesota ont également été affectés.
Les phénomènes de précipitations intenses et les crues et inondations qui peuvent en découler sont amenés à se renforcer dans le Sud, le Sud-Est de l’Asie et au Canada.
Quelles perspectives et solutions ?
La solution est double et nécessite d’agir à la fois sur le plan de l’atténuation et celui de l’adaptation :
- Atténuation : le message est rabâché à tout-va, mais n’est toujours pas mis en œuvre à la hauteur des enjeux…nous devons engager des transformations systémiques afin d’infléchir le plus rapidement possible nos émissions de gaz à effet de serre et de parvenir à la neutralité carbone planétaire d’ici 2050.
- Adaptation : notre planète a dépassé les 1°C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle. Des mesures d’adaptation doivent être mises en place dès aujourd’hui et quelle que soit la trajectoire de réchauffement que nous emprunterons dans le futur.
Sur le plan agricole, cela passe par des changements de pratiques profonds (modification des cycles culturaux, pratique de l’agroforesterie, plantation de haies, recours à des espèces plus résilientes aux conditions de sécheresse par exemple…). L’usage et le partage de la ressource eau doivent également être mises en débat et faire l’objet d’une législation stricte et équitable pour les différents usagers.
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