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mai 2024

Buy European and Sustainable Act : accélérer la transition vers une économie européenne bas-carbone

L'objectif de cette étude est de comprendre dans quelle mesure l'introduction d'un Buy European and Sustainable Act (BESA) sur les marchés publics pourrait accélérer la transition vers une économie bas-carbone et la résilience de certains secteurs économiques européens.

Le BESA pourrait prendre la forme d’une directive européenne réglementant la manière dont les autorités publiques des États membres de l'UE attribuent des contrats pour des biens, des services et des travaux en introduisant des critères supplémentaires en matière d'environnement, de carbone et de contenu local.

Les marchés publics sont responsables de 10%[1] de l'empreinte carbone totale de l'Union européenne (UE) et représentent un montant équivalent à 15% du PIB de l'UE[2]. Si ils étaient alignés avec les objectifs climatiques de l’UE, les marchés publics pourraient jouer un rôle important dans la création de marchés pour des solutions innovantes permettant d’accélérer la transformation de l'économie européenne vers l’atteinte de la neutralité climatique. Cependant, même si l'Accord de Paris engage les pays de l'UE à réduire fortement leurs émissions de GES, 55% des marchés publics sont uniquement basés sur l'évaluation du prix le plus bas actuellement[3]. Les achats publics durables peuvent être utilisés pour atténuer l'impact environnemental du secteur public et envoyer un signal de marché fort afin d'accélérer la transition bas-carbone et la résilience de secteurs économiques tels que l'industrie, la construction, les transports, l'énergie et l'agriculture. Les marchés publics peuvent avoir un impact décisif pour aider les États membres de l'UE à atteindre leurs objectifs climatiques.

Cette étude analyse l’impact potentiel de mise en œuvre d’un BESA via le scénario hypothétique suivant : Quels auraient été les impacts si les pays de l'UE avaient décidé d’aligner leur commande publique avec leur ambition climatique au moment de l'Accord de Paris, avec un plein effet à partir de 2019 ? L'étude couvre tous les pays de l'UE et s'appuie sur des données de 2019 et 2021. 

L’analyse se concentre sur les produits les plus émissifs, pour lesquels la commande publique constitue un marché important et des critères quantifiés peuvent être appliqués : acier, aluminium, ciment, construction, véhicules et alimentation. Ces produits représentent environ 30 % de l'empreinte carbone de la commande publique. L'analyse couvre les impacts directs des marchés publics, elle ne quantifie pas les effets de levier plus larges que pourraient avoir la directive, les résultats doivent donc être considérés comme conservateurs.

L'étude offre une description concrète de ce que pourrait être un BESA en définissant des critères pour les marchés publics basés sur les meilleures pratiques de l'économie européenne. Ils sont destinés à envoyer un signal fort au marché, à créer des débouchés économiques pour les acteurs les plus vertueux de l'UE et à encourager les autres à suivre. 

Deux types de critères sont modélisés : 

  • Contenu local : un seuil minimal est fixé sur le contenu européen des produits achetés par la puissance publique. Ce critère influe sur la provenance géographique des produits achetés, et donc sur l'ensemble des indicateurs suivis (revenus des entreprises de l’UE, emplois, émissions de GES).
  • Atténuation du changement climatique : un seuil maximal est fixé sur le contenu carbone ou les émissions de GES en phase d'usage des biens acquis par le biais des marchés publics.

L'analyse principale est réalisée à l'aide de données socio-économiques et environnementales provenant des tableaux d'entrées-sorties FIGARO[4] et EXIOBASE[5] . Ces bases de données fournissent des informations sur les échanges économiques entre pays, l'emploi et les émissions.

 

 

Si le Buy European and Sustainable Act décrit dans cette étude avait été mis en œuvre, il aurait permis une baisse de 34 MtCO2e de l'empreinte carbone annuelle de l'UE depuis 2019, soit 9 % de l'empreinte carbone de la commande publique de l'UE. Cela équivaut à une réduction de 30 % de l'empreinte carbone de la commande publique sur les activités couvertes par cette étude.

Le scénario "Moyenne sans critère carbone" correspond à un scénario dans lequel aucun critère climat n'est appliqué, mais seulement l'exigence de contenu local. Une exigence de contenu local aurait à elle seule un impact limité sur l'empreinte carbone des achats publics, les critères climat sont essentiels pour provoquer une baisse significative des émissions.

S'il avait été mis en œuvre en 2019, le BESA aurait permis une réduction supplémentaire de 64 % de l'empreinte carbone de l'UE sur la période 2015-2019. 

Les bénéfices climat du BESA s'appliquent également aux émissions territoriales de l'UE: l'analyse montre que si le BESA avait été mis en œuvre en 2019 et 2021, il aurait réduit les émissions territoriales annuelles de l'UE de 9 MtCO2e en moyenne.

 

 

Au-delà des baisses d’émissions des achats publics, l'un des principaux avantages du BESA est qu'il permet de réorienter l'argent dépensé pour la commande publique vers des activités qui accélèrent la transition de l'UE vers une économie bas-carbone.

En moyenne, 86 milliards d'euros sont mobilisés chaque année pour le développement des activités vertes par le biais de la commande publique de l’UE grâce au BESA. Cela représente une augmentation des ventes annuelles de 6 md€ pour les entreprises de l'UE et une amélioration de la balance commerciale de l’UE.

Ce flux d'argent vers les activités "vertes" dans l'UE crée de nouveaux débouchés durables pour les entreprises européennes innovantes et donne à l'industrie la visibilité dont elle a besoin pour réaliser des investissements importants en faveur de la transition vers une économie bas- carbone. Les critères de durabilité sont essentiels à cet égard, les critères de relocalisation ne permettent pas à eux seuls de réaliser des investissements significatifs en faveur d'une industrie résiliente dans l'UE.

De même, le BESA pourrait créer de nombreux emplois verts dans l'UE, en moyenne 384 000 sur les années analysées. 8% de ce total (30 000 emplois) correspondent à des emplois correspondent à des emplois relocalisés qui sont donc additionnels au niveau de l'UE. Le développement de ces emplois dans des activités compatibles avec la transition bas-carbone est essentiel pour la sécurité de l'emploi dans l'UE dans un contexte de mutation accélérée pour tenir les objectifs de décarbonation. Les choix faits en matière d'achats publics ont un rôle important à jouer pour accompagner les travailleurs de l'UE dans les transformations de l'économie et de la structure de l'emploi.

En 2024, une grande partie de ce potentiel reste inexploitée. Il n'est pas trop tard. Il existe encore de nombreuses opportunités de changer la donne. L'intégration de critères ambitieux de durabilité et de localité dans la directive sur les marchés publics dans les 100 premiers jours de la prochaine Commission créerait des opportunités pour les entreprises et les agriculteurs européens qui s'engagent à s'aligner sur les objectifs de l'Accord de Paris. Cette mesure proactive permettrait également de renforcer la position de l'Europe en tant que fournisseur de premier plan des solutions de la transition bas-carbone. Augmenter la demande "verte" par le biais du BESA donnerait à l'industrie européenne les moyens nécessaires pour investir et innover, renforçant ainsi sa compétitivité dans la course aux technologies « vertes » en cours. 

Les marchés publics sont un outil clé de la politique d'innovation. Ne pas l'utiliser pleinement pour accélérer la transition serait une erreur en termes d'alignement des politiques publiques sur l'objectif climatique de l'Union européenne. L'UE fait figure d'exception en excluant les critères de contenu local dans les marchés publics, ce qui contraste avec les pratiques observées ailleurs, notamment en Chine et aux États-Unis, où les entreprises nationales bénéficient d'un traitement préférentiel dans les marchés publics. Un recalibrage stratégique est nécessaire pour accélérer la transformation de l’économie européenne tout en garantissant des conditions de concurrence équitables pour les entreprises de l’UE.

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Tableau de bord par pays des résultats

Tableau de bord européen des résultats

Cette étude a été soutenue par la Fondation Européenne pour le Climat. La responsabilité des informations et des points de vue exposés dans cette étude incombe aux auteurs. La Fondation Européenne pour le Climat ne peut être tenue responsable de l'utilisation qui pourrait être faite des informations contenues ou exprimées dans cette étude.

Elle a été réalisée avec l'aide de Anaïs Voy-Gillis (IAE de Poitiers) et de Robin Gounet et Tristan Méneret (IN Europe). 

Carbone 4 est soutenu dans son analyse par une coalition d’organisations européennes plaidant pour un Buy European and Sustainable Act : Anders Handeln (Autriche), CNCD 11.11.11 (Belgique), Dezernat Zukunft (Allemagne), Ecodes (Espagne) et Fondazione Ecosistemi (Italie).


Résilience
Contributeurs & contributrices
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Anaïs Voy-Gillis
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