COP 16 - Au-delà des enjeux réglementaires, les entreprises doivent intégrer que le vivant a une valeur intrinsèque forte
À l’occasion de la COP16 qui se déroule du 21 octobre au 1er novembre en Colombie, Alexis Costes, consultant au sein du pôle Biodiversité de Carbone 4, revient sur les principaux enjeux à se former sur un sujet dont on ne mesure pas encore toute l’ampleur mais qui émerge, porté notamment par la nouvelle réglementation européenne CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive.
Carbone 4 Académie, le pôle formation de Carbone 4, propose une formation « Construire sa Feuille de Route Biodiversité ». Qui vient s’y former, et que vient-on y chercher ?
Les personnes viennent essentiellement trouver des réponses aux questions qui émergent autour des enjeux de biodiversité dans le cadre de leurs fonctions – dans la sphère RSE ou le conseil, principalement – toutefois derrière ce sujet en particulier, se cache souvent l’individu avec sa sensibilité propre…
En effet quand on aborde la biodiversité sous l’angle business, en expliquant qu’il est très important d’intégrer ces enjeux pour réduire ses différents risques physiques et de transition, que l’on montre les risques associés à ne pas avoir de stratégie biodiversité, etc, les premières réactions sont souvent que même s’il n’y avait pas ces risques pour l’organisation, il faudrait quand même réduire ses impacts et ses dépendances parce que la biodiversité, l’environnement, le vivant, a une valeur intrinsèque forte pour les participant·es.
Beaucoup avouent d’ailleurs ne pas avoir envie de travailler dans une entreprise qui ne prendrait pas en compte ces enjeux-là.
Donc les gens suivent la formation à la fois pour comprendre l’intérêt à intégrer le sujet biodiversité mais aussi pour être acteur·ice d’un monde en transition, avec le besoin de comprendre les leviers d’action, de trouver du sens dans leur travail.
On ressent vraiment cette recherche d’alignement.
Comment est venue l’idée de ce parcours ?
Nous avons fait un benchmark des formations qui existaient sur le thème de la biodiversité et nous avons réalisé qu’il existait peu, voire pas de formation à destination des entreprises et des individus avec un angle opérationnel, qui aide à comprendre l’utilisation des outils, les cadres réglementaires et volontaires dans lesquels on pouvait agir en matière de biodiversité.
Or nous savions que la demande allait nécessairement émerger dans le contexte de l’urgence bioclimatique, ne serait-ce que par le biais réglementaire, dans le cadre de la CSRD, laquelle introduit un reporting englobant les enjeux de biodiversité. Reporting amené à devenir obligatoire pour un grand nombre d’entreprises.
En outre nous avons pu constater, sans surprise, un fort intérêt de nos alumni sur ce sujet biodiversité qui est étroitement lié au climat.
On rappelle d’ailleurs que la biodiversité est un enjeu au moins aussi important que le climat ?
Absolument, c’est d’ailleurs assez bien intégré par nos apprenant·es qui comprennent que le sujet climat est compris dans celui de la biodiversité, puisqu’il est l’une des principales pressions sur la biodiversité (selon les experts, le dérèglement climatique devrait devenir le premier facteur de pression sur les espèces et les écosystèmes au cours des prochaines décennies) et qu’il y a d’autres indicateurs à prendre en compte au-delà du strict volet carbone.
La formation permet ainsi d’élargir le cadre des actions que l’entreprise doit prendre pour améliorer son impact, et aussi de valoriser le travail mené sur le climat pour y intégrer le sujet biodiversité.
S’adresse-t-on à un public de pionniers/pionnières ?
On est effectivement encore sur une approche pionnière, comparé aux enjeux climat.
Toutefois la CSRD a incontestablement accéléré l’émergence du sujet biodiversité dans les entreprises, et on voit désormais des nouveaux profils assister à la formation. Des entreprises qui ont de gros impacts sur l’usage des sols, comme la construction d’autoroutes pour citer un exemple, ont envie de mieux comprendre ce qui se passe dans leur scope 1.
Mais ce sont souvent des personnes assez intéressées par ces sujets à titre personnel, ce qui rend les échanges d’autant plus riches.
Le nouveau cadre proposé par la CSRD a-t-il influencé le programme ?
Bien sûr, nous enrichissons le contenu en tenant compte des enjeux posés par ce nouveau cadre réglementaire, même si sur une formation de 12h nous n’allons pas dans le détail des outils, méthodologies et reporting proposés par la CSRD.
Nous restons dans une approche globale, dans l’objectif de poser les bases.
Plus concrètement, en termes de livrables, les participant·es repartent avec un document où ils synthétisent les informations clés collectées au cours de la formation, à savoir : quelles sont mes contraintes réglementaires, mes principaux impacts et dépendances à la biodiversité et aux écosystèmes, les risques associés à ces différents impacts et dépendances et les leviers d’actions identifiés pour les réduire. Sans oublier les opportunités, dans une moindre mesure toutefois.
On s’intéresse enfin aux enjeux de communication autour d’une la Feuille de Route Biodiversité, à savoir comment valoriser ce travail en interne auprès de sa direction et des différentes équipes, puis en externe… en évitant le greenwashing !
Au-delà des exigences réglementaires, quel intérêt les entreprises ont-elles à intégrer le sujet biodiversité ?
Pour nombre d’entreprises qui ont un “amont agricole”, dans le secteur agroalimentaire mais pas seulement, il y a un fort enjeu de dépendance aux services écosystémiques - pollinisation, accès à la ressource en eau, qualité de l’eau, etc - dont la dégradation a des répercussions sur les rendements agricoles. Donc si l’entreprise n’essaye pas de comprendre quelles sont ses dépendances, dans un monde avec des écosystèmes qui se dégradent vite elle peut être confrontée à des risques très élevés sur sa chaîne de valeur, avec des ruptures de chaînes d’approvisionnement et des coûts qui augmentent – il en va de même avec les conséquences du réchauffement climatique – et à la clé un bilan et une santé financière potentiellement très lourdement impactés.
Sans oublier les risques réputationnels et de marché qu’il peut y avoir à ne pas prendre en compte la biodiversité dans sa stratégie.
Il y a aussi, même si ce volet est parfois plus difficile à appréhender, une notion d’opportunité. C’est par exemple le cas lorsqu’une marque emblématique de l’industrie agroalimentaire diversifie son offre de yaourt avec une gamme végétale, consciente que son business model est très dépendant des services écosystémiques.
Le sujet climat nous projette à des horizons de temps qu’on a souvent du mal à appréhender. Pour la biodiversité en revanche, les bénéfices de l’action sont très concrets, voire immédiats...
Oui, et c’est d’ailleurs tout le sujet des certificats de la biodiversité dont il sera beaucoup question pendant cette COP, puisqu’on comprend qu’il y a des choses à faire sur la restauration d’écosystèmes, le réensauvagement et la protection des écosystèmes de manière générale, avec à la clé d’importants besoins de financements.
Ce sont des sujets qui sont intégrés dans les stratégies nationales de plusieurs pays dont la France, avec des résultats qui peuvent être assez impressionnants, je pense par exemple à la protection d’aires marines où l’on observe des populations de poissons qui peuvent augmenter de 50 voire 100% en un an.
Autre exemple relaté par Le Monde il y a quelques jours, en Bourgogne, l’installation de bandes fleuries à proximité de vergers de cassis a permis de faire revenir une quarantaine d’espèces de pollinisateurs en trois ans. Tout cela milite pour la protection des espaces.
D’un point de vue entreprise, il est important de comprendre ses impacts et ses dépendances pour protéger des écosystèmes sur lesquels on a un impact fort, ou dont on dépend, ce qui de surcroît a du sens à l’échelle de la chaîne de valeur.
Il y a un fort enjeu de localité en matière de biodiversité, ce qui rend le sujet complexe et implique de s’intéresser à la localisation des entreprises qui jalonnent la chaîne de valeur.
Certaines entreprises, notamment dans le secteur du luxe, sont très en pointe sur ces sujets, compte tenu de l’importance des matières premières dans leur modèle d’affaire.
Pour conclure, quels sont les aspects de la formation les plus appréciés des participant·es ?
La mixité du format e-learning et présentiel (la deuxième journée a lieu dans les locaux de Carbone 4 à Paris) est très appréciée, les participant·es sont enthousiastes à l’idée de pouvoir venir échanger lors de cette journée. Et je dois dire qu’il en va de même pour nous les formateur.ices, car comme je le disais plus tôt, ce sont des thèmes qui sont très propices au partage !
Le côté opérationnel de la formation, notamment via l’utilisation de l’outils ENCORE (Exploring Natural Capital Opportunities, Risks and Exposure) permettant de comprendre les impacts et les dépendances, est aussi plébiscité.
Il arrive d’ailleurs qu’une entreprise nous recontacte suite à la formation pour aller plus loin et creuser le sujet. Ce fut le cas récemment d’un groupe pharmaceutique que nous allons aider à piloter sa stratégie biodiversité dans le cadre de la CSRD.
Nous n’avons pas fini d’entendre parler de biodiversité !
Pour en savoir plus et vous inscrire à une prochaine session, rendez-vous sur la page de la formation Construire sa Feuille de Route Biodiversité.
Propos recueillis par Ghislain Journé, responsable marketing & communication de la Carbone 4 Académie
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