L’avion à hydrogène peine à décoller : est-ce vraiment une mauvaise nouvelle pour le climat ?
Airbus a annoncé décaler de 5 à 10 ans la sortie de leur avion à hydrogène.
Initialement prévue pour 2035, il est maintenant pensé pour 2040 au mieux, et la principale raison évoquée pour ce retard est le manque de maturité technologique de la filière. La première réaction serait de se dire que c’est une mauvaise nouvelle pour le climat. Mais est-ce vraiment le cas ?
L’avion à hydrogène d’Airbus est-il réellement bas-carbone ?
Bien sûr, l’avion à hydrogène est un levier de décarbonation fort de l’aviation, permettant une réduction de l’impact climatique jusqu’à -75%, mais sous réserve de plusieurs conditions. Tout d’abord, il faut que l’hydrogène utilisé dans cet avion soit produit de manière décarbonée c’est-à-dire produit par électrolyse à partir d’électricité bas-carbone. Or aujourd’hui, 99% de la production d’hydrogène est d’origine fossile[1], et l’hydrogène bas-carbone est encore loin de couvrir l’utilisation actuelle d’hydrogène d’origine fossile.
De plus, pour contribuer à la décarbonation du secteur dans son ensemble, il est nécessaire que cet avion à hydrogène puisse effectivement remplacer des avions volant au kérosène fossile. À date, seuls des avions régionaux (100 places, max 1000km) sont envisagés avec cette technologie à horizon 2040, qui représentent moins de 5% de l’activité aérienne commerciale. Sans compter qu’il faudra du temps pour les produire jusqu’à qu’ils représentent une part significative dans la flotte mondiale[2].
L’hydrogène nécessite également de dépasser un ensemble de contraintes opérationnelles et de sécurité à l'échelle de l'écosystème (stockage sous forme liquide à -253°C, approvisionnement des principaux aéroports en parallèle, gestion de la sécurité compte tenu du caractère volatil et explosif de l’hydrogène, etc.) que les biokérosène et kérosène de synthèse, autre levier de décarbonation du secteur, n'ont pas.
Ces obstacles ne sont pas insurmontables mais demandent du temps pour être levés. Or, ce qui compte lorsque l’on parle de neutralité carbone à l’horizon 2050, ce n’est pas seulement le point d’arrivée, mais surtout le budget carbone restant. Plus on réduit les émissions tôt, moins on puise dans le budget avec donc plus de chances de le respecter. Il est donc nécessaire de réduire les émissions dès maintenant, sans attendre.
Des solutions existent déjà pour décarboner l’aviation !
Il n’est donc pas raisonnable de miser seulement sur des technologies de rupture incertaines, potentiellement déployables à grande échelle post-2050, mais pas avant. En termes de solutions énergétiques, il est nécessaire de se concentrer sur le développement industriel des carburants d’aviation durables (biokérosène et e-kérosène). En effet, l’objectif défini par l’UE d’utiliser 5% de SAF en 2030 risque déjà de ne pas être atteint[3]. Un autre levier technologique déjà actionnable est l’utilisation de turbopropulseurs plutôt que des turboréacteurs à double flux (voir notre article à ce sujet). Et ces leviers technologiques ne suffiront pas : actionner le levier de la sobriété et questionner les usages sera essentiel pour réussir à atteindre la neutralité en 2050 (voir à ce sujet notre FAQ sur l’aviation).
Ainsi, si cette annonce d’Airbus de reporter l’avion à hydrogène permet de se concentrer sur le déploiement des kérosènes bas-carbone, ce n’est peut-être pas une si mauvaise nouvelle pour le climat !
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