Consommer moins d’énergie : la meilleure arme pour se passer du pétrole et du gaz russe en un temps record
Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, les propositions pour répondre à la crise énergétique se multiplient, tel le “plan de résilience économique et sociale” du gouvernement. Mais ces mesures ne s’attaquent pas réellement à la réduction de notre dépendance aux importations d’énergies fossiles.
On continue à nous parler de fausses solutions
Par exemple, pour le gaz :
- Remplir au maximum les capacités de stockage : faut-il encore avoir la possibilité de les remplir, et quand bien même, on tient un an, et après ?
- Accroitre les capacités de production en Norvège, au Royaume-Uni voire en Afrique du Nord : les réserves de ces régions sont déjà quasiment toutes en déclin !
- Augmenter les importations de GNL d’autres pays comme les Etats-Unis : sans même parler du gaz de schiste, le GNL émet plus de gaz à effet de serre que le gaz russe [1] ; il faut 2-3 ans pour construire des terminaux méthanier pour accueillir le GNL sur notre sol [2] ; et on substitue juste une dépendance par une autre. Que se passera-t-il quand le prix du gaz augmentera encore à cause de ces dépendances géopolitiques ?
Chacune de ces prétendues « solutions » ne permet de remplacer que 5-20% du gaz russe, en demandant des efforts industriels considérables, loin d’être immédiats, et probablement irréalistes, qui plus est dans un marché mondial de l’énergie où l’Europe n’est pas seule. Et, si elles étaient appliquées, la tension sur le prix du gaz ne diminuerait probablement pas et continuerait de coûter un bras à l’Europe.
Il est un peu question d’efficacité énergétique, mais trop rarement de sobriété énergétique. Pourtant, c’est l’arsenal de mesures le plus puissant pour se passer du pétrole et gaz russe en 1 à 2 ans. Cela réduirait la demande, et potentiellement la tension sur les prix, et cela nous mettrait enfin sur les rails du respect de l’Accord de Paris.
La vraie solution, c’est de réduire nos consommations d’énergie
Alors de quoi parle-t-on ?
Précisons le concept de sobriété, souvent catalogué comme un sacrifice individuel ou un retour à la bougie. On parle bien de changer nos modes de vie pour réduire notre consommation d’énergie, mais il s’agit avant tout d’apporter de la rationalité dans nos usages énergétiques démesurés. Pas besoin de prendre sa voiture pour faire quelques kilomètres par exemple. Il n’est ainsi pas question d’effort individuel mais d’organiser collectivement ces changements pour qu’ils soient faciles d’usage et valorisés socialement. L’illustration parfaite est le vélo. Avec des pistes cyclables sécurisées, continues et de qualité, pédaler devient plaisant, plus rapide que la voiture en ville, plus économique, meilleur pour la santé, etc.
D’ailleurs, 58% des Français et Françaises ont bien compris qu’il faudra changer nos modes de vie, et 64% d’entre eux sont prêts à accepter ces changements s’ils sont partagés de façon juste entre tous les membres de notre société. [3]
Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (ce qui revient à se passer des énergies fossiles), 3 leviers, dont la sobriété, doivent être activés [4] :
Ces leviers sont complémentaires et nécessaires à l’atteinte de l’Accord de Paris. Pas de neutralité carbone avec seulement de la sobriété car nous continuerions à consommer des énergies fossiles incompatibles avec cet accord. Pas de neutralité carbone avec seulement des énergies bas-carbone car nous émettrions encore trop de gaz à effet de serre avec des niveaux de consommation énergétique comparables à ceux d’aujourd’hui voire en croissance.
Appliquons cette logique au gaz et au pétrole, pour observer l’effet de grandes mesures au regard des quantités d’énergie provenant de Russie.
En préambule, les quantifications sont réalisées en moyenne. Elles cachent ainsi des disparités sociales (précarité énergétique, précarité mobilité) pour lesquelles la déclinaison opérationnelle des mesures doit tenir compte. L’objectif, ici, est de discerner les grands ordres de grandeur.
Pétrole : près de 60% utilisé dans les transports en France
Nous pourrions nous passer de pétrole russe dans le transport en moins d’un an grâce à quelques mesures de sobriété
Gaz : près de 50% utilisé dans les bâtiments en France
Nous pourrions nous passer du gaz russe dans le bâtiment en 1-2 ans grâce à quelques mesures
Notons que les mesures proposées ne sont pas exhaustives. Elles ont pour objectifs d’être parmi les plus structurantes de la transition énergétique. Par ailleurs, n’oublions pas les autres dépendances russes comme les métaux ou les ressources alimentaires.
Conclusion : les mesures de sobriété permettraient très vite de nous affranchir en bonne partie du gaz et du pétrole russe
Il ne faut pas tout opposer : toutes les mesures y compris les plus conventionnelles doivent être étudiées. Elles seront complémentaires et additionnelles pour aller encore plus loin vers notre indépendance envers les énergies fossiles.
Le « nous sommes en guerre » d’Emmanuel Macron avait marqué les esprits au début de la crise sanitaire. Et pourtant, dans ce contexte de guerre en Ukraine, pas besoin de « quoi qu’il en coûte » : généralement, les mesures de sobriété et d’efficacité énergétique nécessitent peu de financements et/ou s’autofinancent quasiment. Elles génèrent même souvent des revenus supplémentaires aux ménages à plus ou moins court terme, à prix constant de l’énergie. [5]
Cela demande évidemment un effort pour changer nos habitudes, mais la crise sanitaire ne nous a-t-elle pas démontré que nous en étions capables ? Ne sommes-nous pas en période de guerre ? Que diraient nos grands-parents en repensant au rationnement alimentaire lors de la Seconde Guerre Mondiale ? Probablement qu’il vaut mieux une sobriété choisie collectivement que subie.
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