publication
·
novembre 2024

Tracer l'électricité au pas horaire pour que les offres d'énergie verte accélèrent la décarbonation

Auteurs et autrices : Alexandre Joly, Killian Daly, Bruno Menu

Cette publication a été rédigée en partenariat avec EnergyTag et Granular Energy.

Introduction

La garantie d’origine est un certificat attestant qu’une quantité d’électricité verte a été produite et injectée sur le réseau de l’Union européenne. Ce dispositif existe depuis plus de 20 ans en France et s'est bien développé sur cette période. Néanmoins, l’émission d’une garantie d’origine est toujours faite au pas de temps mensuel malgré la disponibilité des données horaires de production. Cela signifie qu’une garantie d’origine ne contient actuellement que le mois de production, et qu’il est impossible de savoir à quel moment dans le mois l’énergie a été injectée sur le réseau. 

Dans un premier temps, permettre l’émission des garanties d’origine à un pas de temps horaire en se basant sur les données de comptage permettrait de rendre possible les initiatives volontaires afin de démontrer la faisabilité technique ainsi que les bénéfices pour la collectivité. Dans un second temps, imposer un matching entre garantie d’origine horaire et consommation sur la même heure permettrait à la comptabilité carbone se basant sur les garanties d’origine de contribuer réellement à la transition bas-carbone du réseau électrique.

Résumé executif

La garantie d’origine est un certificat attestant qu’une quantité d’électricité verte a été produite et injectée sur le réseau de l’Union européenne. 

Ces garanties sont largement plébiscitées en France : leur volume est passé de 42 TWh en 2019 à 79 TWh en 2023, soit une croissance de plus de 17% par an[1], vouée à perdurer. 

Toutefois, ce système est basé sur un matching de certificats (garantie d’origine) à un pas de temps mensuel. Autrement dit, il est possible d’associer une garantie d’origine à n’importe quelle consommation sur un même mois, sans s’assurer que production et consommation ont eu lieu au même moment. Par ailleurs, le système actuel permet également de “matcher” production et consommation à chaque bout du continent sans aucune limitation.

Dès lors, en maximisant ces incohérences spatiales et temporelles, il est possible de construire des offres 100% vertes très facilement et sans nuances. Or, sans refléter la réalité physique du réseau électrique, elles ne peuvent pas contribuer à la décarbonation du réseau. En effet, il est démontré qu’un matching au pas annuel ne conduit pas à réduire les émissions[2].

Et c’est là tout l’enjeu, car pour décarboner totalement le mix électrique il faudra bien prendre en compte cette réalité physique : toujours équilibrer production et consommation à tout moment tout en intégrant de plus en plus d’énergies variables comme le solaire ou l’éolien, des moyens de stockage et du report de consommation à d’autres moments dans la journée. 

Or, le matching entre production et consommation à un pas de temps plus fin (horaire ou infra-horaire) permettrait de profiter pleinement des avantages de ce système de traçabilité :

  • Une comptabilité carbone plus précise, et surtout plus réaliste ;
  • Un moyen de regagner la confiance des consommateurs en se rapprochant de la réalité physique du système électrique, et en évitant des offres d’électricité vertes qui peuvent actuellement être perçues comme trompeuses ;
  • Un signal prix additionnel sur la disponibilité de la production bas carbone, incitant à la flexibilité de la consommation, au développement du stockage, et valorisant davantage les moyens de production bas carbone qui peuvent produire au bon moment ;
  • Une accélération de la décarbonation du système électrique : le matching horaire réduit les émissions à la fois pour l’acheteur et pour le système.

Un passage au matching horaire facilitera de plus l’application de réglementations européennes approuvées récemment ainsi que des futures évolutions de standards internationaux : 

  • Le Delegated Act sur “l’hydrogène vert” (RFNBO), qui impose le matching horaire au plus tôt en 2027 et au plus tard en 2030 ;
  • La directive européenne RED III, qui recommande aux États membres d’aligner à terme le pas de temps sur lequel porte une garantie d’origine avec le pas de règlement des écarts (15 minutes) ;
  • Le World Resources Institute a lancé en 2022 le processus de mise à jour du Scope 2 de la méthodologie GHG Protocol[3] dont un des objectifs est de revoir le pas de temps du matching entre production et consommation.

La question n’est plus de savoir si le système devra passer à un pas de temps horaire, mais quand il y passera. La France bénéficie de plus d’un atout majeur avec son vaste parc de production décarbonée et contrôlable, qui lui permet de mettre en place le matching horaire sans impact négatif majeur sur les consommateurs français, tout en bénéficiant d’un avantage stratégique vis à vis des autres pays européens lorsqu’ils devront aussi implémenter le matching horaire.

Nous recommandons de passer au plus tôt le système français de matching entre garanties d’origine et consommation à un pas de temps horaire (ou sub-horaire) et d’imposer des limites sur la localisation de la production et de la consommation. 

Pour ce faire, les changements progressifs que nous recommandons, par ordre d’importance mais aussi de facilité d’implémentation, pour faire de la France un leader dans ce domaine, sont les suivants :

Recommandation 1 : donner la possibilité aux producteurs d’émettre des garanties d’origine à un pas de temps horaire. Disposer de certificats horaires ne signifie pas imposer le matching horaire, ce choix - qui par ailleurs ne nécessite aucun changement législatif - n’aura donc pas de conséquences sur la plupart des consommateurs, mais permettra à ceux qui le souhaitent d’avoir un instrument pour prouver leur matching horaire.

Recommandation 2 : profiter de la transposition de la directive européenne RED III pour passer l’unité d’une garantie d’origine en France au kWh ou Wh.

Recommandation 3 : encourager le matching horaire et géographique sur une base volontaire, notamment via des initiatives volontaires valorisant le matching horaire ou sub-horaire telles que le label VertVolt de l’Ademe ou le référentiel Net Zero Initiative de Carbone 4.

Recommandation 4 : inciter les autres États membres de l’Union européenne à accélérer sur le sujet, et encourager la prise en compte des limites physiques sur les échanges entre pays de l’Union européenne.

Recommandation 5 : imposer le matching horaire pour toute consommation afin de bénéficier pleinement des avantages mentionnés précédemment.


Energie
Auteurs & autrices
Portrait de Alexandre Joly
Alexandre Joly
Senior Manager / Responsable de pôle
Portrait de Killian  Daly
Killian Daly
EnergyTag ·Directeur général
Portrait de Bruno Menu
Bruno Menu
Granular Energy·COO et cofondateur