Rencontre avec Florence Bovet, Directrice du Patrimoine chez Seqens
Fin octobre 2024, Aïda Tazi, responsable du Pôle Bâtiment-Immobilier de Carbone 4, s’est entretenue avec Florence Bovet, Directrice du Patrimoine de Seqens.
Le bailleur social, filiale du Groupe Action Logement, détient un parc de plus de 100 000 logements en Île-de-France. Il s’est distingué ces dernières années par son engagement pour le climat. La mise en place d’une stratégie de rénovation énergétique effective tient une place centrale dans cet engagement. Par ce levier, Seqens puise dans une des trois règles d’or de l’initiative NZI[1], qui définit les contours d’une juste contribution des entreprises à l’atteinte de la neutralité carbone planétaire : « aider les autres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) ». En effet, en permettant des économies d’énergies et un recours à des énergies moins carbonées, Seqens soutient les locataires dans la réduction de leur empreinte carbone, et dans la maitrise des charges sur le long terme.
L’article ci-dessous explore les initiatives climat menées par Seqens pour impulser le changement au sein de son parc.
Carbone 4 : Comment décrire la stratégie climat de Seqens en quelques lignes ?
Florence Bovet : L’engagement climat de Seqens peut être synthétisé au travers de ses 3 piliers :
Réduire les consommations d’énergie, la dépendance aux énergies fossiles et les émissions GES de son parc de logements. Avec une volonté d’avoir 10 ans d’avance sur la Stratégie Nationale Bas Carbone[2] ;
Favoriser l’économie circulaire et le recyclage des matériaux utilisés ;
Adapter le parc afin qu’il soit résilient face à un climat qui change.
Carbone 4 : Sur le premier pilier, comment cet engagement prend-il forme opérationnellement ?
Florence Bovet : Au-delà de l’axe « sobriété » sur lequel les locataires peuvent être accompagnés pour adopter les bons gestes, j’aimerais détailler l’axe « efficacité » sur lequel nous travaillons.
Seqens a pour ambition de réhabiliter 4 000 logements/an, l’objectif étant d’atteindre un parc étiqueté DPE A, B et C en totalité à horizon 2030. Nous sommes en bonne voie puisque la rénovation des passoires thermiques F et G est aujourd’hui en cours de finalisation tandis que les travaux sur les logements étiquetés D et E démarrent.
Je précise que les consommations énergétiques liées aux énergies fossiles sont responsables de la moitié du Bilan Carbone de Seqens, avec 30 000 logements chauffés au gaz collectif et autant au gaz individuel.
Pour sortir des énergies fossiles, il ne s’agit pas de pousser une énergie bas carbone plutôt qu’une autre (pompes à chaleur, géothermie, solaire thermique, etc.). Ma conviction est plutôt qu’il faut mutualiser la demande pour y apporter une réponse collective via le raccordement à des réseaux de chaleur.
Ainsi, nous misons sur le fait que notre parc soit situé en Ile-de-France, région bien maillée par les réseaux de chaleur urbains (RCU), pour y raccorder la majeure partie de nos logements. Et ces réseaux, bien qu’encore en partie alimentés par des énergies carbonées, vont se décarboner. La mutualisation facilitera d’ailleurs leur décarbonation à terme[3].
Opérationnellement, il s’agit donc pour chaque bâtiment chauffé collectivement avec des énergies fossiles, de vérifier la possibilité de son raccordement à un RCU. Dans le cas contraire, la stratégie de Seqens consiste à créer des micros-réseaux pour ces résidences. Nous pensons que le tiers financement est un outil à mobiliser pour atteindre ces objectifs. En répondant à nos appels d’offre, les sociétés de tiers-financement s’engagent à prendre en charge la construction et la gestion des micros-réseaux de chaleur, en nous assurant une énergie bas carbone à un coût maitrisé. En contrepartie, Seqens leur garantit un volume de demande.
La garantie d’un coût maitrisé de l’énergie est une notion d’autant plus prégnante au sortir d’une crise qui a vu les prix du gaz tripler en quelques mois.
En ce qui concerne la stratégie de décarbonation des logements chauffés au gaz individuel, la situation est plus ardue. A date, il n’existe pas de solutions techniques reproductibles facilement. Nous tentons des expérimentations innovantes, telles que la mise en place de pompes à chaleur collectives.
Enfin, je rappelle que le pilier 1 de la stratégie climat de Seqens s’attache à réduire les émissions GES sur l’ensemble de son empreinte carbone. Ainsi, si les énergies fossiles représentent 50% du Bilan Carbone de l’entreprise, l’autre moitié correspond aux matériaux mis en œuvre dans les constructions et réhabilitations de logements. Un volet sur lequel nous travaillons également.
Carbone 4 : Justement, en tenant compte de l’utilisation de ressources (matériaux, énergie de chantier) impliquées dans les projets de rénovation, comment s’assure-t-on que les gains GES sont bien au rendez-vous quand on considère l’équation totale ?
Florence Bovet : En tant que membre du Hub des prescripteurs bas carbone, nous avons signé en décembre 2023 au SIMI, la charte des prescripteurs bas carbone[4].
Parmi les 4 articles de la charte, les signataires s’engagent à « connaitre les chiffres avant d’agir ». Concrètement, cela revient à réaliser des Analyses de Cycle de Vie (ACV) et calculer le temps de retour carbone de chaque projet entrepris.
Après avoir défini les règles de comptabilité d’une ACV rénovation avec le bureau d’études Pouget Consultants[5], nous avons mis en place un système d’ACV systématiques en phase de pré-travaux afin de guider les choix de conception et maximiser le bénéfice carbone des projets de rénovation, tout en restant dans l’équilibre économique du projet.
Carbone 4 : Pour beaucoup, le financement de la rénovation est le frein majeur à l’accélération des rénovations globales performantes. Qu’est-ce qui fait que Seqens réussisse à agir là où d’autres semblent bloqués, à défaut d’avoir trouvé un modèle économique rentable ?
Florence Bovet : Il est vrai que le financement de la rénovation reste compliqué.
Nous avons essentiellement recours à des prêts. Les subventions existent mais il y en a peu. En complément, nous étudions des solutions de tiers-financement dans le cadre de l’installation de micros-réseaux de chaleur pour décarboner l’énergie consommée d’une partie des logements.
Carbone 4 : La 3ème ligne de quittance, mise en place en 2009 par la loi Molle[6], ne permet-elle pas de couvrir une partie des dépenses ?
Florence Bovet : Bien que celle-ci soit mise en place systématiquement, elle est loin de couvrir une part représentative des coûts de rénovation. En effet, elle a une valeur moyenne de +15€/mois pour les ménages, à mettre en regard d’un coût de la rénovation énergétique de l’ordre de 50 000€/logement. Ce sont donc essentiellement des fonds propres et des prêts qui sont engagés.
Carbone 4 : Pour finir, l’adaptation du parc de logements est citée comme le 3ème pilier de la stratégie climat de Seqens. Cela fait écho à une préoccupation grandissante au sein du secteur : comment rénover de façon performante et décarbonée avec 50°C à l’extérieur en 2050 ? Où en est Seqens dans cette réflexion ?
Florence Bovet : Sur l’adaptation, je constate que le sujet est aujourd’hui insuffisamment pris en compte. Il existe de nombreux outils sur le marché sans qu’il y ait de convergence sur la méthode de mesure et sur les solutions à déployer.
A ce stade, Seqens met en place quelques bonnes pratiques « classiques », telles que l’installation systématique d’occultations lors de travaux de menuiseries. Il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin. C’est pour cela que nous avons co-fondé le programme baptisé « Nos villes à 50°C ». L’objectif est de nourrir une nouvelle pratique immobilière et d’exploitation opérationnelle qui tienne compte d’un climat qui se réchauffe.
➡️ Retrouvez les entretiens avec Icade et la Coopérative Carbone La Rochelle, qui reviennent sur leur démarche respective en matière de transition et d'atteinte de la neutralité carbone.
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