article
·
22 juillet 2021
Auteurs et autrices : César Dugast

Allégations de "neutralité carbone" : un net recul de la loi Climat et Résilience

Une très mauvaise nouvelle vient de tomber du côté de la législation autour des allégations de neutralité carbone des produits.

La loi Climat et Resilience adoptée aujourd'hui présente un net recul en matière de greenwashing et d'allégations  de "neutralité carbone », à l'opposé de l'esprit initial de la loi.

Le texte adopté initialement par l’Assemblée Nationale prévoyait  : "Est interdit, dans une publicité, le fait d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone, dépourvu de conséquences négatives sur le climat, ou toute autre formulation ayant une finalité et une signification similaires." 

Cette interdiction se fondait sur le fait que la neutralité carbone pour un produit ou un service n’a pas de fondement scientifique.

Le Sénat avait ensuite modifié la disposition, en prévoyant des exceptions pour les allégations reposant sur "des certifications fondées sur des normes et standards reconnus aux niveaux français, européen et international."

Mais le passage du texte en commission mixte paritaire de la loi Climat et Résilience vient non seulement de vider ce texte de sa substance, mais pire encore, d'autoriser les allégations de neutralité carbone, conditionnées au respect de critères peu ambitieux, hérités d'un autre âge (celui du Protocole de Kyoto, aujourd'hui dépassé) et basés sur l'éternel triptyque "mesurer-réduire-compenser" :

« Il est interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone, ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente, à moins que l’annonceur rende aisément disponible au public les éléments suivants :

« 1° Un bilan d’émissions de gaz à effet de serre intégrant les émissions directes et indirectes du produit ou service ;
« 2° La démarche grâce à laquelle les émissions de gaz à effet de serre du produit ou service sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre est décrite à l’aide d’objectifs de progrès annuels quantifiés ;
« 3° Les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles respectant des standards minimums définis par décret.

C’est ainsi une mesure : 

  • à l’impact dérisoire, qui encourage insidieusement le greenwashing, vu la pauvreté des critères exigés, et tandis que des travaux autrement plus sérieux de définition de la neutralité carbone sont toujours en cours.
  • absurde, car contrairement à une entreprise, un produit ne peut pas "réduire ses émissions", ni "être sur une trajectoire de réduction"
  • inadaptée aux enjeux : il n'est jamais fait mention de la place dudit produit dans un monde neutre en carbone.


Ainsi, il sera a priori tout à fait possible de déclarer "neutre en carbone" un baril de pétrole ou un vol long-courrier grâce à cette définition. 

Cette loi entérine donc une interprétation contre-productive et potentiellement dangereuse de la lutte contre le changement climatique, basée sur l'idée que le problème pourra être résolu grâce à une amélioration incrémentale de produits existants, et non d'une rupture fondamentale des usages. 
Placer un nouvelle fois la "compensation" comme ultime recours à la prétendue impossibilité de réduire davantage ne fera que retarder la prise de conscience.

Alors que l'urgence climatique mériterait plutôt la tenue d'un vrai débat pour décider collectivement de quels types de produits et services une société bas-carbone aurait – ou non – besoin, ce texte de loi se contente d'en rester au degré zéro de l'ambition.

 

Pour plus d'information sur nos travaux Net Zero Initiative sur la définition d'une neutralité carbone collective, ambitieuse et transparente, rendez vous sur : https://www.carbone4.com/publication-referentiel-nzi


Neutralité
Net Zero Initiative