Le Hub des Prescripteurs Bas Carbone : les messages clés
La course à la construction et la rénovation bas-carbone est déjà lancée ! Avec la nouvelle Réglementation Environnementale (RE 2020, qui succèdera à la RT 2012), construire et rénover bascarbone est, à terme, la seule certitude de… pouvoir construire et rénover.
Un ensemble de prescripteurs (maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre, ingénieries, entreprises) ont confié à l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) et Carbone 4 la responsabilité de construire un Hub des prescripteurs bas carbone, afin d’orienter les choix de conception et stimuler les industriels sur des solutions bas carbone.
Dans cette publication, le Hub formule aux différents acteurs du bâtiment et de l’immobilier ses premières propositions et partage sa feuille de route 2020.
Résumé Exécutif
Les entreprises du Hub des prescripteurs bas carbone formulent aux différents acteurs du bâtiment et de l’immobilier les premières propositions suivantes :
Aux institutionnels
- L’observatoire E+C- est très précieux pour les acteurs du Hub, dans le présent et pour les années à venir. La qualité de la donnée - et donc des analyses qui en découlent - doit cependant être améliorée avec un minimum de tests de cohérence à l’entrée avant de valider la publication des données. Cet observatoire pourra ainsi produire des analyses variées, riches et de qualité nécessaires à la mise en place de la nouvelle réglementation et des solutions bas carbone.
- Les coefficients de sécurité des valeurs ministérielles (Données Environnementales par Défaut, DED) faussent la compétition bas carbone entre maîtres d’ouvrage et créent une confusion générale. Ils faussent également la qualité des retours d’expérience et ne permettent pas à la profession de se fixer des cibles performantielles. Il faut séparer la compétition entre maîtres d’ouvrage et celles entre fabricants, en supprimant ces coefficients de sécurité et en réinventant les incitations aux industriels.
Aux industriels
- Le Hub félicite les champions industriels de la compétition bas carbone et insiste sur la nécessité pour tous les industriels à accélérer la mise en œuvre de solutions bas carbone et la mise à disposition des fiches FDES et PEP correspondantes. Des règles d’exclusion des prescriptions (DCE, consultations, etc.) sont en cours de réflexion au sein du Hub.
nous avons la “baseline”, place aux opérations !
S’appuyant sur cette première phase de travail de fond sur les données disponibles et l’établissement de points de repères pour l’ensemble des participants, le Hub va poursuivre ses travaux dans les prochains mois autour des 3 axes suivants :
▶ Développer des outils pour une réelle aide à la décision en matière de choix de matériaux et d’équipements bas carbone,
▶ Caractériser puis énoncer des prescriptions bas carbone relatives aux matériaux et équipements du bâtiment, grâce à un dialogue systématique et permanent avec les industriels sur leurs innovations dans le sens du bas carbone,
▶ Aider à la diffusion de la compétence Carbone auprès de tous les acteurs, de la conception à la réalisation, en passant par les services achats.
I. La qualité de l’information bas carbone du bâtiment et de ses constituants doit être améliorée
Pour permettre aux prescripteurs de détecter, de caractériser et d'accélérer la mise en place des meilleures solutions en termes de performance carbone, il est aujourd’hui urgent de disposer de données fiables et précises.
Depuis 2019, le Hub a développé deux outils qui permettent d'analyser deux bases de données publiques françaises :
- L’Observatoire E+C-, qui répertorie les données techniques et environnementales de bâtiments ayant participé à l’expérimentation du référentiel E+C- (qui préfigure la réglementation RE2020) : quelles sont les caractéristiques des bâtiments en fonction des seuils énergie et carbone atteints ?
- La Base INIES, qui répertorie les données environnementales, dont le carbone, des différents matériaux utilisés dans le bâtiment : Quels matériaux choisir pour baisser l’empreinte carbone d’un projet ?
A. Les données de l’Observatoire E+C- doivent être améliorées avec un minimum de tests de cohérence à l’entrée pour être la base commune du “benchmark bas carbone”
Un promoteur immobilier qui concourt à un appel à projet ou démarre la programmation d’un projet immobilier doit disposer d’un socle harmonisé de comparaisons de la performance carbone de bâtiments. Aujourd’hui le Hub des prescripteurs bas carbone constate deux lacunes dans l’Observatoire E+Cexplicitées à suivre.
i. De nombreuses erreurs et incohérences
La base de données de l’Observatoire E+C- n’est pas exploitable telle quelle : de nombreuses valeurs aberrantes ou incohérentes y sont constatées. Ainsi, pour éviter des biais dans les analyses, la base de données doit être retraitée et des tests de cohérence doivent être mis en place à l’entrée avant publication de ces données.
Par ailleurs, certaines catégories de bâtiments sont très peu représentées au sein de l’Observatoire E+C-, il n’y a par exemple que 4 bâtiments de commerces dans la base de données et aucun bâtiment logistique: aucune analyse n’est possible sur ces typologies pour le moment.
Les travaux du Hub ont consisté, sur la base des données existantes, à :
- corriger les données incohérentes lorsque cela était possible,
- éliminer les bâtiments de la base de données lorsque les données incohérentes ne pouvaient pas être corrigées,
- constituer une base d’analyse “complète”, contenant uniquement des bâtiments où les données sont cohérentes, corrigées le cas échéant et où l’ensemble des détails de l’empreinte carbone est disponible.
Ainsi plus de 75% des bâtiments de bureaux, 64% des logements collectifs et 60% des maisons individuelles sont aujourd’hui écartés de la base de données “corrigée et complète” (voir tableau des motifs de correction principaux). Le Hub se tient à la disposition des entreprises renseignant l’Observatoire E+C- pour identifier les incohérences de leurs données.
Les principaux motifs de correction ou de retrait des différentes bases sont les suivants (voir détails des motifs de correction et retrait en annexe) :
ii. Après correction, ce premier observatoire livre des enseignements par typologie sur l’impact carbone des 2 principaux leviers : le mode constructif et les vecteurs énergétiques
La répartition des bâtiments par niveau d’énergie E et de carbone C doit être présentée pour chaque typologie de bâtiments : maisons individuelles, logements collectifs, bureaux.
On y constate que les logements collectifs sont plus ambitieux que les maisons individuelles et que les seuils énergie très ambitieux sont atteints par des bureaux.
Dans le graphique ci-dessous, le chauffage au gaz est le vecteur le plus émissif pour toutes les typologies. Le bois, l’électricité et les réseaux de chaleur (suivant la source primaire) sont les moins carbonés.
Le béton est le mode le plus émissif pour toutes les typologies.
B. L’usage des valeurs ministérielles (DED) pour l’empreinte carbone des matériaux fausse la compétition bas carbone
Dans le cadre du référentiel E+C- qui préfigure la future réglementation pour les bâtiments neufs (RE2020), en l’absence de la donnée spécifique correspondant au matériau choisi (FDES et PEP) il est obligatoire de prendre la valeur par défaut correspondante de la Base INIES (DED). Ces données par défaut sont volontairement établies pour être supérieures à la réalité afin de pousser les industriels à publier leurs propres données pour chacun de leur produit. Aussi, selon les matériaux, il existe plusieurs méthodologies de calcul des coefficients de sécurité.
L’ensemble des entreprises participantes aux Hub souhaite pousser la séparation des deux volets de la compétition bas carbone, celle entre les fabricants d’une part et celle entre les maîtres d’ouvrages d’autre part :
- Il est nécessaire pour les maîtres d’ouvrage de pouvoir calculer une empreinte carbone comparable entre eux, qui les situe dans la compétition “bas carbone” des maîtres d’ouvrage, sans les sécurités appliquées aux valeurs ministérielles ou bien a minima avec des coefficients de sécurité comparables, qui alimentent la confusion en ne permettant pas de caler des repères entre opérations;
- Il faut pousser les fabricants à réduire l’empreinte carbone de leurs matériaux, en mettant en avant les entreprises les plus engagées ainsi que les efforts engagés et les progrès réalisés. C’est cette sélection par la demande ce qui motivera les travaux du hub pour la suite, la charge de la preuve restant aux industriels via les déclarations environnementales.
Illustration du poids excessif des valeurs ministérielles
Le Hub a réalisé une analyse de l’empreinte carbone des lots du second œuvre en fonction du choix des matériaux et de valeurs statistiques sur les fiches des fabricants (FDES) ou des valeurs ministérielles (DED) sur un exemple de projet de bureaux d’environ 40 000 m2.
Par rapport aux valeurs ministérielles, le choix de la valeur médiane des FDES de la même catégorie de matériaux abaisse l’empreinte des lots 4 à 7 de 45% par rapport aux choix de valeurs ministérielles.
Dans le même temps, la différence d’empreinte carbone entre la valeur médiane et la valeur minimale (matériau le plus performant) des fabricants est modérée et ne fait varier que d’environ 35% l’empreinte sur ces lots.
C. La Base INIES est encore incomplète : il manque des données FDES pour des lots importants
Aujourd’hui, il n’y a aucune corrélation entre le poids des lots et le nombre de fiches INIES disponibles : le lot 5 (cloisonnement , isolation intérieure, ...) par exemple est le poste qui compte le plus de fiches (717 soit 44% des fiches) pour un part de l’empreinte hors lots techniques de l’ordre... de 10% !
Pour certaines catégories de matériaux il y a encore beaucoup trop peu de données publiées :
- Par exemple, alors qu’aujourd’hui dans la construction tertiaire l'utilisation de faux-plancher technique est systématique, il n'y a que 7 données par défaut et aucune donnée spécifique.
- Autre exemple, la pierre est aussi un matériau disposant de peu de données. La pierre porteuse, mode constructif utilisé dans certaines régions et pour certaines typologies (le logement collectif), ne dispose à l’heure actuelle que d’une FDES et de 5 données par défaut. La pierre en revêtement de façade (agrafée ou collée) ne présente aucune donnée dans la base.
- Enfin la conception bas carbone des systèmes CVC est un enjeu primordial, surtout dans le tertiaire. Si l'optimisation de la partie clos-couvert (gros œuvre et façades) est souvent le premier pas vers l'éco-conception carbone d'un bâtiment, l'éco-système d'équipements CVC et la stratégie énergétique à son origine doit faire l'objet d'autant d'attention et être une priorité identifiée. En effet, le choix d’un type de système entraîne invariablement des conséquences sur le type de vecteur énergétique appelé, la performance énergétique du système, le dimensionnement et la répartition du réseaux de gaines, le nombre de points d’émission, etc..
S’il est vrai que ces dernières années de nombreuses données de constructeurs et données par défaut surtout sont venues remplir la base des lots techniques, certains systèmes sont encore orphelins de données individuelles, comme les PAC ou groupe froid air-eau, les échangeurs à plaques, les centrales de traitement d’air double flux ou encore les ventilo-convecteurs.
II. La compétition bas carbone est lancée : le Hub félicite les champions industriels
Aujourd’hui, il est possible d’identifier, les organismes (industriels ou regroupements de fabricants de matériaux) qui alimentent le mieux en données environnementale la Base INIES. Les membres du Hub félicitent collectivement ces industriels qui jouent le jeu !
Les membres du Hub souhaitent insister sur deux éléments importants de la compétition bas carbone des matériaux de construction :
- Le coût des solutions doit être intégré dans les critères en identifiant les mieuxdisant technique - économique - carbone, pour des matériaux assurant des fonctionnalités comparables;
- A moyen terme, elles procéderont à une exclusion progressive des consultations des fabricants ayant des performances carbone insuffisantes.
Appel aux solutions bas carbone
Pour comprendre les progrès des filières et avoir un meilleur panorama des acteurs engagés (ou pas) dans la compétition bas carbone, une analyse par filière va être lancée sous la forme de « briefs ». Pour encourager les innovations portées parfois par les plus petits acteurs, le Hub s’engage, à la suite des « briefs », à identifier les solutions prometteuses qui nécessitent une aide financière pour la réalisation de ces FDES individuelles.
Les membres du Hub qui représentent environ 4 millions de m2 livrés par an, souhaitent améliorer leur capacité à prescrire. Elles font ainsi appel aux professionnels à faire connaître les empreintes carbone de leurs matériaux si celles-ci ne sont pas encore présentes sur la base INIES.
Faites-nous part de vos performances et contactez-nous directement sur hub_bascarbone@ifpeb.fr
III. Performance réelle et coût du bas carbone : le Hub s’applique à environner l’information carbone des données techniques et économiques
Le nerf de la compétition bas carbone, dans le neuf comme pour la rénovation, est surtout le prix : les outils partagés par les membres du Hub intègrent d’ores et déjà des données de coûts en fonction des matériaux. Les futurs travaux du Hub continueront d’orienter les prescripteurs vers l’optimum bas-carbone/prix.
Le Hub se préoccupe également du sujet de la performance réelle et identifie deux enjeux importants :
- Il faut rendre possible la “performance carbone réelle”: un projet qui prévoit, en amont du chantier un certain niveau de performance carbone - par exemple une empreinte PCE annoncée de 690 kgCO2e/m2 - devrait prouver la performance réellement atteinte à la livraison. Ainsi il faut être capable de contrôler le type et la quantité des matériaux réellement mis en œuvre, à minima sur les lots du gros œuvre. La base INIES doit également être stable dans le temps, avec une fonction d’historisation des données, afin de pouvoir utiliser la même donnée d’empreinte carbone des matériaux lors des différentes phases d’un même projet sur plusieurs années. En effet, il existe des projets pour lesquels une donnée utilisée en phase conception n’est plus disponible en fin de chantier, obligeant au final à utiliser une valeur ministérielle (DED).
- Par-delà le calcul normatif, il faut être capable d’être au plus proche de la réalité : ainsi la diversité des usages doit être considérée. Par exemple, une moquette dans le bâtiment tertiaire dure en général deux fois moins longtemps que les durées de vie affichée par les fabricants ce qui sous-estime son poids carbone sur la durée de vie du projet. Une durée de vie des matériaux par grand usage (résidentiel ou tertiaire notamment) pourrait permettre d’affiner les analyses, en effet une moquette chez des particuliers ou dans des bureaux n’a pas du tout la même durée de vie constatée.
Le Hub va poursuivre ses travaux dans les prochains mois autour des 3 axes suivants :
- Développer des outils pour une réelle aide à la décision en matière de choix de matériaux et d’équipements bas carbone.
- Caractériser puis énoncer des prescriptions bas carbone relatives aux matériaux et équipements du bâtiment.
- Instaurer un dialogue systématique et permanent avec les industriels.
Rejoignez les membres du Hub des prescripteurs bas carbone, contactez-nous : hub_bascarbone@ifpeb.fr