SBTi : une sortie par le haut de la polémique sur la compensation carbone ?
Deux nouveaux documents du SBTi ouvrent la voie à une sortie par le haut de la polémique sur la compensation carbone
Mardi 30 juillet, la Science-based Targets Initiative (SBTi) a publié deux longs rapports d’analyse sur deux sujets clés :
- une proposition de révision de la méthode de fixation des objectifs de réduction d’émissions,
- et une revue de littérature sur l’efficacité des crédits carbone dans le cadre des objectifs climat des entreprises.
La publication de ces rapports s’inscrit dans un contexte à fort enjeu. Premièrement, ils font suite à la polémique créée en avril dernier par le Board du SBTi qui, de manière unilatérale et controversée, s’est déclaré en faveur de l’utilisation des crédits carbone (et, plus largement, des EAC, ou “certificats d’attributs environnementaux”) pour se substituer aux efforts de réduction des émissions des entreprises. Deuxièmement, ces documents sont publiés dans le contexte de la révision du Net Zero Standard, leur méthodologie phare publiée en 2021 qui guide les entreprises dans la fixation d’objectifs compatibles avec l’Accord de Paris.
Ces deux documents vont globalement à l’encontre de la décision problématique du Board du SBTi d’avril dernier, et renforce la position des entreprises, organisations et professionnels du climat (dont Carbone 4) qui se sont prononcés contre l’utilisation des crédits carbone comme une manière de réduire les émissions.
Que trouve-t-on dans ces deux rapports ?
Le premier rapport, “Aligning Corporate Value Chains to Global Climate Goals”, a pour objectif de partager les réflexions en cours au sein du SBTi pour réformer sa célèbre méthode de fixation d’objectifs climat à destination des entreprises. En particulier, le SBTi est conscient qu’utiliser le Scope 3 comme principale métrique de pilotage est problématique à plusieurs égards, notamment parce qu’il existe une grande variabilité dans son calcul, mais aussi parce qu’il fusionne en un seul et même grand total de tonnes de CO2 des enjeux en réalité très différents pour l’entreprise (achats, usage des produits, etc.). Incidemment, Carbone 4 avait déjà identifié cet écueil et développe actuellement une métrique alternative, le Score de compatibilité avec l’Accord de Paris (SCAP), pour tenter de le surmonter au moins en partie.
Le document propose des solutions innovantes et constructives pour surmonter ces problèmes, comme par exemple le fait d’identifier les sources d’émissions les plus critiques dans leur activité, et de s’y fixer des “objectifs d’alignement” et “politiques” spécifiques, exprimés non pas en tonnes de CO2 mais en des indicateurs concrets. Par exemple, un constructeur automobile pourrait avoir à se fixer un objectif de part de ventes de véhicules électriques, plutôt qu’un objectif agrégé et flou en tonnes de CO2.
Par ailleurs, le rapport rappelle que l’achat de crédits carbone ne constitue pas une solution satisfaisante pour réduire le Scope 3 des entreprises.
Le second rapport, “Evidence Synthesis on Carbon Credits”, a pour but de livrer les résultats de l’analyse du SBTi de la littérature existante sur l’efficacité des crédits carbone dans les objectifs climat des entreprises. Sur la centaine de documents jugés pertinents sur la question (papiers peer-reviewed, rapports gouvernementaux, articles de presse, case studies, etc.), ceux considérés comme les plus fiables établissent un faisceau d’indices clair sur trois thèmes différents :
- Inefficacité de certains projets de compensation : la littérature montre que plusieurs types de projets émettant des crédits carbone échouent à délivrer les réductions ou évitements d’émissions promis.
- Risques pour la stratégie climat des entreprises : la littérature montre qu’il pourrait y avoir des risques clairs à utiliser les crédits carbone dans une logique de compensation, comme le retardement de la transformation profonde des entreprises et/ou la baisse des montants totaux alloués à la finance climat. Les approches de contribution pourraient représenter des modèles plus désirables d’utilisation des crédits par les entreprises.
- Écueils de communication : la littérature remet en cause la légitimité des claims de compensation, au sens où il est illogique et préjudiciable de laisser entendre que les crédits seraient fongibles avec les sources d’émissions et puits de carbone.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Ces deux documents visent à donner des pistes de réflexion dans le contexte de la consultation publique visant à refondre le Net Zero Standard du SBTi. Bien qu’ils soient explicitement en défaveur de l’utilisation des crédits carbone pour réduire le Scope 3, rien n’est encore fait. Il est donc crucial que les acteurs de l’écosystème climat en accord avec ces deux derniers documents prennent la parole et répondent à la consultation publique pour la révision du Net Zero Standard, et donnent leur avis sur le document spécifique au scope 3.
Dans un article de décryptage à paraître, Carbone 4 explicitera en détail sa position sur les crédits carbone et sur les EAC (Environmental Attributes Certificates).
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