Le SBTi lance son standard ‘Net Zero’ pour les entreprises : décryptage et comparaison avec Net Zero Initiative
Ce jeudi 28 octobre, le Science-based Targets Initiative (SBTi) dévoilait son approche du “net zéro” pour les entreprises. Ce travail remarquable fait écho à un grand nombre de concepts, règles et définitions qu’exposait déjà le référentiel Net Zero Initiative à sa sortie en avril 2020, et que Carbone 4 continue d’approfondir en partenariat avec son écosystème d’entreprise et d’experts.
Compte tenu du rayonnement du SBTi à l’échelle internationale, l’équipe NZI se réjouit de voir ces concepts passer à la vitesse supérieure en termes de rigueur et d’ambition, et de constater que la vision simpliste de la “neutralité carbone” qui prédominait jusqu’ici est en voie d’être dépassée.
Comment le standard Net Zero du SBTi et le référentiel NZI s’articulent-ils ? Quelles points de convergence sont à relever ? Sur quels sujets NZI apporte-t-il un complément utile au standard du SBTi ? Décryptage.
1/ Les deux référentiels placent la réduction des émissions de l’entreprise au cœur de l’approche
Première bonne nouvelle : le SBTi fait de la decarbonization (réduction des émissions directes et indirectes des entreprises) la pierre angulaire de leur standard. En se détournant des claims simplistes, qui prétendent que l’on peut être neutre du jour au lendemain grâce à l’achat de crédits carbone, l’initiative s’inscrit de fait en rupture vis-à-vis des approches historiques de la “neutralité carbone” des entreprises (PAS 2060, Carbon Neutral Protocol, etc.).
Pour le SBTi, le net zéro est avant tout un horizon long-terme, qui ne peut être atteint qu’au prix de réductions drastiques des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans toute la chaîne de valeur. Les trajectoires de décarbonation à suivre doivent être compatibles avec un réchauffement bien en-dessous de 2°C, voire de 1,5°C.
Compatibilité avec NZI : très forte
Net Zero Initiative a toujours placé la réduction des émissions de l’entreprise comme l’absolue priorité de l’action en faveur du net zéro. Les émissions de l’entreprise font l’objet d’une catégorie dédiée dans le reporting NZI - le pilier A - et sont tenues de suivre une trajectoire de décarbonation compatible avec la science du climat.
2/ Les deux référentiels font bien la distinction entre réduction, évitement et séquestration
Autre progrès de taille : le SBTi fait bien la différence entre la réduction d’émissions, l’évitement d’émissions et la séquestration carbone. Cela peut paraître évident, tant ces grandeurs sont très différentes d’un point de vue physique, mais il faut bien comprendre que cela n’a jamais été le cas dans les approches classiques de “neutralité”. Dans celles-ci, non seulement aucune différence n’était faite entre crédits carbone d’évitement ou de séquestration, mais les offsets, qui pouvaient être déduits des émissions, étaient par ailleurs vus comme des alternatives à la réduction des entreprises…
Compatibilité avec NZI : très forte
En créant trois catégories séparées (A- Réduction, B- Évitement, C-Séquestration), Net Zero Initiative a toujours placé la réalité physique au cœur de son approche.
3/ Les efforts attendus sur le développement des puits de carbone sont globalement les mêmes, mais SBTi reste prisonnier d’une vision individualiste du net zéro
Le SBTi considère qu’une entreprise est “net zéro” dès lors qu’elle équilibre ses émissions (ayant préalablement baissé, cf point 1/) et ses puits de carbone. En somme, l’objectif attendu sur les puits de carbone est d’atteindre un ratio “un pour un” avec le résiduel des émissions à long terme. En revanche, aucune trajectoire n’est réellement proposée pour la séquestration carbone, ce qui pose la question des objectifs à court terme sur ce volet. Le mode de comptabilisation des puits (approche inventaire ou intervention) ne semble pas non plus explicité.
Compatibilité avec NZI : assez forte
Le Pilier C de Net Zero Initiative a pour objet de mesurer les puits de carbone de l’entreprise dans et hors de sa chaîne de valeur, et de se fixer un objectif de développement des puits compatible avec les besoins planétaires.
Le SBTi et NZI s’accordent globalement sur le point d’arrivée en 2050 : le résiduel d’émissions (pilier A) doit s’équilibrer avec les puits (pilier C). Mais NZI propose deux précisions supplémentaires :
- NZI propose une approche innovante de définition de la trajectoire de séquestration, basée sur la contribution de l’entreprise aux besoins mondiaux de développement des puits. Le SBTi, quant à lui, ne propose qu’un point d’arrivée.
- NZI propose une territorialisation de cet objectif, en accordant l’objectif de développement des puits avec les besoins exprimés par les territoires d’implantation de l’entreprise.
A cet égard, le référentiel NZI peut être vu comme encore plus “science-based” que le SBTi, car l’action de l’entreprise vis-à-vis des puits répond à une logique de “juste contribution” à l’effort planétaire, déclinée par territoire, plutôt qu’à une logique individuelle d’atteinte de “sa” neutralité.
En ce sens, NZI est compatible avec le standard SBTi (puisqu’ils prônent tous deux que le pilier C soit égal au pilier A à long-terme) tout en le complétant (puisque NZI propose une trajectoire pour y parvenir, et raffine le raisonnement en adoptant une approche territorialisée pouvant s’avérer très précieuse pour l’entreprise).
4/ Les émissions évitées par les solutions des entreprises ne sont pas traitées par le SBTi
Le SBTi a fait le choix de faire l’impasse sur le sujet des émissions évitées par les solutions commercialisées par les entreprises, c’est-à-dire de leur compatibilité avec un monde compatible 1,5°C.
Ce choix est dû au fait que le SBTi a choisi de se poser la question de la manière dont les entreprises peuvent être net zéro, et non de la manière dont elles doivent contribuer au juste niveau au net zéro scientifique et planétaire. Par conséquent, les émissions évitées ne pouvant (à raison) être soustraites des émissions de l’entreprise pour “faire zéro”, elles sont absentes du référentiel SBTi. Mais elles restent très intéressantes du point de vue de la contribution à la décarbonation du monde. Par exemple, la planète aurait peut-être tout intérêt à ce qu’une entreprise vendant des vélos voie son activité se développer, donc son empreinte carbone augmenter !
Ce choix du SBTi d’exclure les émissions évitées du champ du standard est une occasion manquée de mettre sur la table la question cruciale des types de produits et services dont nous avons besoin pour faire émerger un monde zéro carbone.
Compatibilité avec NZI : faible
La bonne nouvelle est que le référentiel NZI pallie ce manque du SBTi, en proposant une approche inédite de mesure de la contribution des produits et services à la transition bas-carbone, et de la fixation d’objectifs compatibles avec la science. Un premier jalon a été posé à l’été 2021, et la poursuite des travaux conduira à une publication en mars 2022.
5/ Les crédits carbone et la compensation, une position à clarifier ?
Nous avons vu en point 2/ que le SBTi faisait l’effort de distinguer réductions, évitement et séquestration. Mais l’importance qu’il donne à chacun de ces indicateurs n’est pas la même.
Sur la question de la finance carbone, en particulier, le financement de projets de séquestration (removals) est bien davantage encouragé que le financement de projets d’évitement (compensation), qui lui, n’est qu’optionnel (même si, dans les faits, ce financement optionnel puisse être conséquent).
Là encore, ce choix découle de la volonté du SBTi de définir le net zéro à l’échelle d’une entreprise, ce qui les invite à considérer les crédits d’évitement comme des crédits “moins bons” que des crédits d’absorption de carbone… ce qui n’est pas nécessairement vrai du point de vue de la planète. L’urgence est en effet de réduire au plus vite nos émissions, qu’il s’agisse des nôtres (pilier A) ou de celle des autres (pilier B). Minimiser l’importance de l’aide financière à la réduction des émissions des tiers au profit de projets de séquestration pourrait s’avérer contre-productif, et pourrait décourager de précieux financements de projets de réduction d’émissions.
Sur la finance carbone toujours, le SBTi semble avoir fait le choix de maintenir le mot “compensation”, tout en soutenant dans le même temps qu’il est impossible d’être net zéro immédiatement. Or, le mot “compensation” le laisse entendre. Pour davantage de cohérence, le mot “contribution” aurait pu être choisi.
Compatibilité avec NZI : moyenne
La recommandation de NZI en matière de financement des émissions évitées hors de la chaîne de valeur (pilier B, 3ème ligne) est de se fixer une contribution ambitieuse, qui doit coexister avec les financements des puits de carbone.
6/ SBTi certifie que les objectifs sont « net zéro », mais ne vérifie pas le respect effectif de ces objectifs au cours du temps
Les efforts de réduction des émissions des entreprises et leur contribution à l’évitement et à la séquestration carbone sont à réaliser sur le long terme : il s'agit d'une démarche dynamique. Grâce à son Standard, SBTi permet aux entreprises d'informer leurs parties prenantes qu'elles se sont fixé les bons objectifs (sur les piliers A et C uniquement, du reste) pour devenir net zéro. Ce "tampon", valable plusieurs années, ne dit rien en revanche de la performance climat réelle de l'entreprise. Dit autrement, le Standard Net Zero ne dit pas si l'entreprise respecte bien, année après année, ses trajectoires cibles (d'émissions et de séquestration du moins).
Compatibilité avec NZI : moyenne
Pour pallier ce manque, Carbone 4 travaille actuellement sur un référentiel qui, tout en incorporant les critères de fixation d’objectifs du Standard Net Zero du SBTi, permettra en plus aux entreprises de rendre compte de la réalité de leurs contributions, au juste niveau, à l'ambition net-zéro planétaire. Le SBTi a donc posé une première brique pour évaluer le sérieux d'une stratégie net-zéro d'une entreprise (se fixer les bons objectifs sur les piliers A et C). Cette approche doit être complétée, non seulement sur le pilier B (voir points 4 et 5 ci-dessus), mais aussi pour vérifier que des actions sont effectivement mises en place par les entreprises dans le temps sur chacun des trois piliers. Il s’agit de dépasser le simple « tamponnage d’objectifs » et de vérifier l’alignement concret des entreprises avec leurs objectifs net-zéro.
Carbone 4 publiera courant 2022 des propositions dans ce sens.
Conclusion
En conclusion, le net zéro du SBTi :
- est globalement une bonne chose ;
- intègre différents points correspondants aux grands messages portés par le référentiel NZI depuis sa création, notamment la nécessité de définir un objectif ambitieux sur le Pilier A, ou encore la nécessité de comptabiliser séparément les différents piliers ;
- mais il reste encore de nombreux points à clarifier et à développer, notamment sur la contribution des produits et services à la transition, le financement de projet d’évitement en-dehors de la chaîne de valeur, ou encore la comptabilisation des puits de carbone.
Nous saluons le fait que le SBTi a intégré les points qui nous semblent incontournables pour la définition rigoureuse d'une stratégie climat ambitieuse en faveur du zéro émission nette collectif. Ainsi, les deux standards se rejoignent dans leurs grandes lignes.
En prenant la question du net zéro sous l’angle de la juste contribution des entreprises à l’ambition climat collective, l’approche NZI propose d'aller plus loin et d'être encore plus précis, notamment en intégrant les émissions évitées par les produits et services, et en définissant une approche plus fine pour la définition d'objectifs sur la séquestration carbone.
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