Les fonds article 9 servent-ils les intérêts de la transition de notre économie ?
Alors que les acteurs des marchés financiers ont jusqu’au 1er janvier 2023 pour assurer leur conformité avec le dernier volet de la réglementation européenne SFDR, plusieurs études récentes démontrent que la marge de progrès en termes de reporting est encore grande. Le chemin est encore long pour limiter le greenwashing des fonds article 8 et 9 et réorienter réellement les investissements vers des secteurs durables pour l’économie.
Rappel sur la réglementation SFDR et ses exigences
Entrée en vigueur en mars 2021, la réglementation européenne “Sustainable Finance Disclosure Regulation” (SFDR) a pour objectif de renforcer la transparence vis-à-vis des investisseurs. Cette loi propose un certain nombre d’articles qui visent à une transparence accrue, à la fois au niveau des produits financiers et au niveau des sociétés de gestion. Par exemple, l’article 6 traite de la transparence de l’intégration des risques de développement durable, et est disponible sur le site de l’Union Européenne[1].
Pour les fonds qui ont une ambition de durabilité – environnementale et/ou sociale - la SFDR propose une catégorisation des produits financiers en fonction du degré de cette durabilité, et y associe un certain nombre d’informations à publier. Les acteurs financiers sont ainsi tenus d’inscrire leurs fonds dans une des catégories plus ou moins ambitieuses que propose la SFDR.
D’un côté, les fonds article 8 doivent déclarer la prise en compte de critères sociaux et/ou environnementaux. De l’autre, les fonds article 9, plus ambitieux, doivent présenter un objectif d’investissement durable, contribuant à un objectif environnemental ou social, sans causer de préjudice significatif à d'autres objectifs environnementaux ou sociaux.
Cependant, l’interprétation entre les deux types de fonds n’est pas évidente et répondre à leur exigence laisse une grande part d’interprétation. Des études récentes[2], publiées par Novethic et Morningstar, ont analysé le contenu des fonds classés article 8 et article 9 et mis en exergue certains manquements entre les informations fournies et celles demandées par la réglementation européenne.
En synthèse, les fonds article 9 (les plus ambitieux) concentrent leurs efforts sur les politiques d’exclusion au détriment des objectifs d’investissement durables et des indicateurs de suivi ou de méthodes de gestion qui sont pourtant au cœur de la philosophie de l’article.
Quelques chiffres clés :
- La majorité des fonds sélectionnent les actifs avec une analyse de type “best-in-class”, consistant à se comparer à la moyenne du marché. Or rien ne garantit que cette méthode permette de sélectionner les meilleurs actifs ayant des ambitions suffisantes vis-à-vis des enjeux de la transition.
- La plupart des fonds présentent souvent des explications peu claires quant à leurs objectifs et à la démarche suivie pour les atteindre. Moins de 10% des fonds déclarent se référer à un indice boursier associé à leur objectif d’investissement durable.
- Moins de la moitié des fonds publie des indicateurs d’impact - d’ailleurs souvent détachés des rapports financiers - alors même que c’est l’une des caractéristiques fondamentales des exigences des fonds article 9.
- Les reportings ne sont pas à la hauteur des exigences de l’article 9 notamment pour la publication des PAI (Principal Adverse Impact). Une grande majorité des fonds ne prend pas en compte de PAI, alors que cette publication sera obligatoire au printemps prochain (juin 2023).
- La prise en compte de la taxonomie verte dans la communication des fonds peut être améliorée. La publication de la part verte des investissements est peu développée et les pratiques de consolidation au niveau du fond diffèrent fortement.
L’application actuelle de l’article 9 ne permet pas de garantir que ces fonds soient vertueux du point de vue du climat, ce qui est décevant étant donné l’ambition de la SDFR. La reclassification des fonds article 9 en article 8 témoigne d’une difficulté à déployer une finance durable de conviction dans des marchés cotés. Seulement 4% des fonds SFDR sont classés article 9, et la majorité ont des ambitions qui ne sont aujourd’hui pas à la hauteur des changements nécessaires pour la transition écologique et sociétale de nos économies.
Vers une finance durable de conviction
Chez Carbone 4, nous avons la conviction qu’il est possible de mettre en place une finance durable de conviction et proposer des stratégies qui vont allier des objectifs durables exigeants et des mesures de trajectoire avec des indicateurs d’impact. Pour ce faire, voici quelques pistes de réflexion sur lesquelles nous travaillons avec nos clients :
- Se poser la question de l’impact que le fonds doit pouvoir générer sur la décarbonation effective, c’est-à-dire dans l’économie réelle, en fonction de la classe d’actif du fonds
- Comparer l’ambition d’un fonds article 9, non pas aux autres fonds, mais au niveau d’ambition à fixer pour contribuer à la transition et à la neutralité, en se référant à des scénarios de décarbonation ambitieux, comme la Stratégie Nationale Bas-Carbone ou les scénarios de l’Agence Internationale de l’Energie
- Définir des indicateurs climat ambitieux et exhaustifs, qui ne se limitent pas à la seule empreinte carbone (émissions évitées, alignement avec un scénario…)
- Définir des indicateurs Carried et des seuils associés pour impliquer concrètement les équipes dans la transition
- Mettre en place un système de reporting simple et robuste en embarquant les parties prenantes
- Définir un périmètre actionnable et des leviers d’action sur lesquels les entreprises peuvent agir de façon concrète pour une transition bas-carbone
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