L’arrivée des méga-camions en Europe : bonne ou mauvaise nouvelle pour le climat ?
Mardi dernier, le parlement européen a adopté une mesure qui pourrait permettre l’arrivée des « méga-camions » au sein des pays de l’UE. Alors que le conseil européen devra trancher définitivement, cette mesure fait débat. Est-ce qu’avoir de tels camions sur nos routes pourrait faire baisser les émissions du secteur de transport des marchandises ?
De quoi parle-t-on ?
Aujourd’hui, la taille maximale des camions transporteurs de marchandises sur les routes de France est de 18,75m avec un poids maximal de 44 tonnes. Si cette mesure était adoptée, des camions de 25,25m avec un poids maximal de 60 tonnes pourraient apparaître.
Un potentiel décarbonant…
À cause de leur poids plus conséquent, les camions de 60t consomment environ 30% de carburant en plus que les 44t[1][2], mais leur chargement moyen est plus élevé : 23,4t en moyenne pour les méga-camions contre 16,8t pour un tracteur routier de 44t[3]. Ainsi, ramené à la tonne transportée, l’intensité carbone d’un camion de 60t est plus faible, par effet d’échelle (voir la question 6 de notre FAQ fret).
Néanmoins la densification du transport est un levier de décarbonation considérable pour la massification de petite charges utiles, par exemple lorsqu’on passe d’un VUL à un camion 44t (division par 5 de l’intensité carbone), mais la réduction de l’intensité carbone devient asymptotique lorsque la charge utile est déjà importante. Ainsi, le gain CO2/t.km d’un 60t par rapport à un 44t n’est que de 5%.
Mais qui est estompé par les effets délétères qu’il engendre
L’avantage principal des 60t est économique : il permettrait de réduire les coûts du transport de marchandises de 20%[4], notamment grâce à un besoin moins conséquent du nombre de chauffeurs et de camions. Cet avantage économique peut engendrer des effets rebonds qui pourraient atténuer, voir renverser l’avantage climatique de cette massification du transport :
- La demande de transport pourrait augmenter grâce à la baisse des coûts et la nécessité d’optimiser le taux de remplissage d’un volume plus important ;
- Le rail, alternative bas carbone au fret routier, pourrait parfois être abandonné pour la route qui deviendra (encore) plus avantageuse.
La question ne se limite pas aux impacts climatiques :
- La sécurité des 60t est mise à mal par des distances de freinage plus longues et un angle mort plus important ;
- Les infrastructures actuelles (rond-point, parkings d’aires d’autoroute, etc.) ne sont pas adaptées. La Suède aurait investi plus de 500 millions d’euros entre 1988 et 1998 suite à l’autorisation de ces camions[5].
Quelles conclusions en tirer ?
L’autorisation de rouler pour les camions de 60t est donc avant tout une mesure économique plus qu’écologique, et apporte un bénéfice climatique faible par rapport aux dangers d’effets rebonds et à la compétitivité accrue d’une motorisation diesel (pour l’instant) qu’elle comporte.
Cette perspective illustre bien la nécessité d’une vision systémique sur la décarbonation du transport de marchandises, afin d’assurer une compétitivité des modes de transports bas carbone et la nécessaire sortie du secteur des énergies fossiles.
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