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15 mai 2019
Auteurs et autrices : Stéphane Amant

Émissions de CO2 des voitures neuves en Europe : Réglementation post-2020 et enjeux

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Par Stéphane Amant, Senior Manager responsable du pôle Mobilité 

Le Parlement Européen a adopté l’objectif CO2 post-2020 pour les voitures. Ce sera une baisse de 37,5% des émissions de CO2 pour les voitures neuves [1]. Pour les constructeurs automobiles, cela représente un défi assez considérable en réalité. En effet, en l’espace de 10 ans (entre 2021 et 2030), le rythme de baisse qu’ils devront respecter (environ -4% par an) sera inédit au regard des réalisations du passé. Et ceci alors même que trois tendances de fond viennent contrecarrer cet objectif de baisse : 

  • le passage du protocole de mesure NEDC à WLTP (plus proche des conditions réelles d’utilisation) à la suite du Diesel Gate, qui va mécaniquement réhausser les émissions d’homologation des véhicules neufs (vraisemblablement de l’ordre de +30%)
  • la désaffection du moment (probablement une tendance à plus long-terme) pour le diesel au profit de l’essence qui pénalise les émissions de CO2 (car, à motorisation comparable, l’efficacité des moteurs essence est inférieure à celle des moteurs diesel)
  • … et surtout le succès croissant et incontestable des SUV, lourds et puissants, qui vient encore compliquer la résolution de l’équation car ils sont par nature plus gourmands en énergie, et donc plus émissifs. De facto, ces modèles qui ont le vent en poupe sont clairement à contre-courant de ce dont nous avons besoin pour amorcer la transition dans la mobilité.

Quand bien même ces obstacles seraient contournés par les constructeurs à l’aide de progrès sensibles sur les motorisations thermiques, la seule façon de tenir les objectifs sera de proposer de plus de plus de véhicules électrifiés (soit hybrides rechargeables, soit 100% électriques). A plus court-terme, c’est-à-dire l’horizon 2021, nombre de ces constructeurs (probablement la moitié environ) n’arriveront pas à respecter la réglementation à cette date (pour rappel : en moyenne de 95 g CO2 par km), ce qui se traduira par des amendes de l’ordre de plusieurs milliards d’euros pour la filière [2]. 

Oui, on parle bien de milliards d’euros, et pas de quelques dizaines de millions … d’où l’accord passé entre Fiat-Chrysler et Tesla pour que le premier cité évite d’avoir à régler une facture salée de 2 milliards d’euros [3]. La flexibilité ainsi permise peut laisser songeur. Si dans le fond elle a un bienfondé théorique (qu’on retrouve pour le marché des quotas CO2 européens ou, en France, pour les certificats d’économie d’énergie), il n’est pas aisé de déterminer si, sur le plan purement de l’empreinte carbone, des ventes de grosses voitures électriques dans des pays où l’électricité est loin d’être décarbonée peut contre-balancer l’écart de quelques g CO2 de Fiat-Chrysler pour ces véhicules thermiques plus légers. 

Cette annonce nous rappelle surtout que l’indicateur-phare du monitoring CO2 dans la réglementation européenne du secteur automobile est fondé sur les émissions à l’échappement, et non pas en cycle de vie (qui comprendrait l’amont de l’énergie, que ça soit la production des carburants ou de l’électricité, ainsi que la fabrication et la fin de vie des véhicules et de leurs composants). Le choix d’un indicateur CO2 uniquement fondé sur les émissions à l’échappement favorise bien sûr les véhicules électrique. Ainsi dans les années qui viennent nous verrons l’avènement d’une offre abondante de véhicules électrifiés en Europe. 

Espérons qu’elle soit par contre plus en phase avec les besoins de la décarbonation : packs batterie de capacité raisonnable, couplés à une infrastructure de recharge optimisée, marginalisation des SUV, modération des circulations par une amélioration du remplissage. En tous cas, les Chinois n’attendent pas les Européens dans la course à l’électrification: hormis la Norvège, la Chine domine largement ce marché. Imaginez qu’il s’est vendu en 2018 autant de VE à Shanghaï que dans toute la France. 

Ce qui est remarquable, c’est qu’au moment où le marché automobile chinois est en repli pour la première fois depuis 20 ans, le marché du VE continue d’y progresser, atteignant même 7% des ventes en décembre 2018. Et pour éviter que les spécialistes chinois du VE ne se reposent sur leurs lauriers, les autorités chinoises ont décidé de réduire de moitié les aides à l’achat dès 2019 et envisagent même de les supprimer complètement en 2020 [4]. Ce durcissement acté par le gouvernement chinois vise d’une part à stimuler l’innovation chez les constructeurs pour réduire les coûts et d’autre part à favoriser les consolidations (pour que les “gros” mangent les “petits” pour le dire crûment). 

Sources: [1] Challenges [2] Climate Change News [3] Autoactu [4] Le Figaro   

Stéphane Amant, Senior Manager responsable du pôle Mobilité


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