article
·
10 mai 2023
Auteurs et autrices : Louis Delage

Pour être durable, la mobilité doit sortir du modèle « tout-voiture »

La voiture, technologie révolutionnaire du siècle dernier permettant de se déplacer plus loin, plus facilement et plus confortablement, fait aujourd’hui l’objet de critiques, notamment pour sa contribution au réchauffement climatique. En effet, en France, les voitures sont responsables de 53% des émissions du transport, soit 17% des émissions de gaz à effet de serre totales[1]. La principale solution évoquée pour y pallier est l’électrification du véhicule : l’interdiction de la vente de la quasi-totalité des voiture thermiques neuves a d’ailleurs été votée par l’Union Européenne pour 2035. Si cette solution est en effet nécessaire, est-elle suffisante pour faire face aux défis du développement durable ? 

Allons-nous réussir à décarboner nos déplacements grâce à la voiture électrique ?

Une voiture électrique en France permet un gain CO2 de 70% par rapport à son équivalent thermique[2]. Néanmoins, d’autres leviers que la simple électrification du parc seront nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif de la France et de l’Europe : la décarbonation de la production des véhicules et de l’électricité, la limitation de la taille des véhicules et des batteries², et plus largement la révision du modèle centré sur la voiture telle qu’elle est définie aujourd’hui. En effet, il existe d’autres moyens de déplacements motorisés adaptés 10 fois moins carbonés qu’une voiture électrique[3].

Empreinte carbone en analyse de cycle de vie des voitures, vélos et véhicules intermédiaires [4] (VAE = Vélo à assistance électrique)

Il n’y a pas que le climat

Si le modèle actuel de mobilité centré sur la voiture est à revoir, ce n’est pas seulement pour des raisons climatiques :

  • Les métaux : La sortie de la dépendance aux énergies fossiles implique une nouvelle dépendance, celle des métaux. Les batteries utilisent aujourd’hui des matériaux à forte criticité, tels que le lithium ou le cobalt ou même le cuivre, au cœur d’enjeux stratégiques, géopolitiques et environnementaux importants (emplacement des mines, dégradation des sols, stress hydrique, rareté de la ressource, biodiversité, etc…)[5].
  • La santé : La voiture affecte la santé des personnes autour, avec l’émission de plusieurs particules nocives. Si la voiture électrique permet d’éviter les émissions à l’échappement, une quantité importante de particules fines continue à s’échapper lors du freinage et de l’abrasion des pneus sur la chaussée[6]. Par ailleurs, la voiture participe aussi à un problème de santé publique majeur : le manque d’activité physique[7].
  • L’espace : Les routes et les parkings prennent de la place et participent à l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols. La moitié de l’espace public parisien était réservée à l’automobile en 2016 par exemple[8].
  • La sécurité : Plus de 3000 personnes sont mortes sur les routes en France en 2022[9].

Mais alors comment se déplacer de manière durable, sans voiture ?

Plusieurs solutions apparaissent pour sortir de la voiture, comme le recours aux transports en communs et les mobilités actives (marche à pied, vélo, vélo à assistance électrique). C’est le cas pour de nombreux trajets de moins de 5km par exemple, dont 60% se font en voiture[10].

Mais il existe des situations où ce type de report modal n’est pas possible (absence de transport en commun, charge lourde, etc.), et il est nécessaire de réfléchir à d’autres leviers possibles pour rendre nos déplacements motorisés individuels plus durables. Bien que la tendance soit à contre-sens aujourd’hui, les leviers les plus efficaces sont connus et à portée de main : la vitesse, l’aérodynamisme et le poids. Malgré une efficacité énergétique en progrès, les voitures d’aujourd’hui restent très énergivores puisqu’elles transportent essentiellement leur masse, avec un taux de poids mort de 92%[11]. Les petites voitures sont intéressantes, et d’autres solutions vont plus loin : les « véhicules intermédiaires ». Entre le vélo et la voiture, ces nouveaux types de véhicules encore peu connus du public pourraient répondra de manière durable à une grande majorité de nos besoins de déplacements. Pour en savoir plus à ce sujet, le récent article d’Aurélien Bigo est très complet.

D’accord, mais comment je pars en vacances sans voiture ?

Si les véhicules intermédiaires ne permettent pas de répondre à l’ensemble des usages de la voiture, cela ne veut pas dire qu’il est nécessaire d’en posséder une pour autant. La question de l’autonomie du véhicule étant régulièrement évoquée, il est important de rappeler tout d’abord que les trajets de plus de 80 km ne représentent que 1,3% des trajets des Français[12]. Pour effectuer ces trajets, d’autres options plus écologiques sont envisageables : le train combiné avec les réseaux de transports publics (et les véhicules intermédiaires), l’autopartage et la location de voiture.

En plus d’être plus écologiques, ces options sont moins chères que de posséder une voiture qui coute en moyenne 5000 € par an à son utilisateur, en dehors des frais de carburant et de péage[13]. A titre de comparaison, ce budget permettrait de parcourir 26 500km en train (soit ~30 allers-retours Paris-Lyon !)[14], ou de louer un véhicule sur plusieurs longues périodes.

Et cette réflexion sur ces déplacements pose aussi la question de l’hypermobilité : se déplacer sur de longues distances de manière fréquente consomme intrinsèquement un montant considérable d’énergie. N’est-il possible de grouper ses voyages, ou de partir moins loin en vacances ? En ce sens, sortir du modèle « tout voiture » permet aussi de s’interroger sur nos réflexes de mobilité, et sur la finalité de nos déplacements pour ne garder que ceux qui nous sont réellement nécessaires.


Mobilité
Auteurs & autrices