Véhicule hybride rechargeable : atout ou frein dans la décarbonation routière ?
Cet article a initialement été publié dans notre newsletter Décryptage Mobilité du 17 décembre 2020. Pour recevoir par mail les prochains articles dès leur publication, abonnez-vous dès maintenant.
En cette période de fin d’année, à l’heure où la voiture prend un virage électrique, les véhicules hybrides semblent être un merveilleux cadeau de Noël1, n’est-ce pas ? A en croire constructeurs et autorités publiques, ils permettent de diminuer significativement les émissions de CO2 sans avoir à faire de compromis sur nos usages : grande autonomie, recharge rapide (par essence ou diesel) si nécessaire. Seulement, comme pour beaucoup de choses, la réalité n’est pas si simple.
Commençons par faire un bref rappel de sémantique : il y a les véhicules hybrides non rechargeables2 et ceux rechargeables (VHR)3. Les véhicules hybrides non rechargeables sont une amélioration incrémentale des véhicules thermiques classiques avec une électrification plus importante, permettant notamment de la récupération d’énergie, mais ils sont alimentés exclusivement en carburants pétroliers à ce jour. Alors que les véhicules hybrides rechargeables ont une double motorisation thermique et électrique, qui leur permet de rouler sur un mode ou l’autre, suivant la charge de la batterie qui permet en général une autonomie d’environ 40-70 km en mode électrique. C’est donc bien à cette deuxième catégorie de véhicules que nous nous intéressons ici. Pourquoi les véhicules hybrides rechargeables n’apportent pas les gains CO2 espérés ? Tout d’abord parce que les émissions homologuées (à travers les cycles NEDC ou WLTP) ne reflètent absolument pas les émissions réelles. Selon une étude récente de ICCT & Fraunhofer Institute, les émissions réelles d’un véhicule hybride rechargeable sont 2 à 4 fois supérieures à celles certifiées [1] ! De plus, les véhicules hybrides sont intrinsèquement plus lourds (et plus coûteux) que leurs homologues thermiques, car ils contiennent deux motorisations (thermique et électrique). Or, tout poids embarqué supplémentaire implique une consommation d’énergie additionnelle, et donc une perte d’efficacité énergétique à usage égal. Il en ressort que rouler essentiellement en mode thermique sur un véhicule hybride rechargeable conduit à des émissions supérieures au modèle thermique équivalent, comme cela est démontré par l’ONG Transport & Environment (graphe ci-dessous) [2]. Il faut donc avantager les véhicules les plus légers possibles, comme nous l’expliquions dans un précédent article.
Comparaison des émissions des véhicules hybrides (PHEV) non chargés et de leur équivalent thermique (ICE) - gCO2/km
Transport & Environment
Enfin, et surtout, le taux de kilométrage électrique effectif des véhicules hybrides rechargeables est en réalité bien inférieur à son taux théorique : selon l’ICCT, seulement 37% des kilomètres sont effectués en mode électrique vs 69% selon le cycle NEDC pour les voitures de particuliers, et 20% vs 63% pour les voitures de fonction. Cela contribue aussi à ce que les émissions soient très supérieures aux émissions certifiées.
Faut-il alors jeter le véhicule hybride rechargeable à la poubelle ? Non, évidemment (la poubelle est trop petite). Ils permettent de décarboner certains segments spécifiques pour lesquels le véhicule électrique n’est pas adapté, par exemple pour des taxis, ou des personnes effectuant souvent de longs trajets professionnels et de courts trajets personnels4. Mais dans l’immense majorité des cas, le véhicule électrique permet de satisfaire à 90-95% des besoins. Il faut donc accepter de repenser son rapport à la voiture et à la mobilité en général, avec un véhicule électrique de petite autonomie pour les usages quotidiens, et des moyens alternatifs pour les trajets exceptionnels comme les départs en vacances : range extender, train, location de voiture …hybride ?
--------------- 1. Principalement pour les constructeurs qui trouvent là un moyen bien commode de répondre à leurs obligations réglementaires européennes (le fameux objectif moyen des 95gCO2/km). 2. MHEV pour Mild Hybrid Electric Vehicle en anglais ou FHEV pour Full Hybrid Electric Vehicle. 3. PHEV pour Plug-in Hybrid Electric Vehicle en anglais. 4. Notons qu’un véhicule roulant au biométhane ou à l’hydrogène décarboné pourrait être une solution alternative.
Article rédigé par Nicolas Meunier (Consultant) nicolas.meunier@carbone4.com
Sources : [1] ICCT & Fraunhofer Institute [2] Transport & Environment
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