L’hydrogène pourra-t-il contribuer à décarboner les voitures ?
L’hydrogène apparaît souvent comme une solution énergétique pour la transition, et les idées d’usage se multiplient, notamment dans la mobilité. Début septembre, BMW annonçait par exemple la production d'un premier modèle de série en 2028 avec Toyota. Pour autant, est-ce vraiment pertinent d’avoir le « réflexe hydrogène » pour chaque mode de transport ?
L’hydrogène peut-être « bas-carbone », mais il est aujourd’hui majoritairement fossile et donc carboné
Tout d’abord, l’hydrogène n’est pas une énergie en tant que tel, mais un vecteur énergétique, c’est-à-dire qu’il est produit à partir de sources énergétiques. Et il n’est pas nécessairement bas-carbone, il est aujourd’hui produit à 98% à partir de ressources fossiles, par vaporeformage du méthane et gazéification du charbon (respectivement 71% et 27% de l’hydrogène produit dans le monde[1]).
L’hydrogène bas-carbone est produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité elle-même décarbonée[2]. En effet, pour être considéré bas-carbone, les émissions de production doivent passer sous le seuil d’empreinte carbone de la Taxonomie européenne de 3 kgCO2e/kgH2, soit un contenu carbone de l’électricité inférieur à 60 gCO2e/kWh, ce qui est aujourd’hui le cas dans peu de pays. La France fait partie de ces pays où une production directe à partir d’énergies renouvelables (ENR) est possible.
Si de plus en plus de projets utilisant de l’électricité renouvelable sont en cours de développement pour produire cet hydrogène « vert », les quantités produites restent néanmoins aujourd’hui très limitées face à une multiplication des besoins, sans compter les usages existants à décarboner !
Dans les transports, l’hydrogène est peu efficace énergétiquement
La voiture hydrogène dispose d’une motorisation électrique, comme une voiture électrique. C’est le stockage de l’énergie qui distingue ces deux types de véhicules. La voiture électrique stocke l’énergie électrique dans des batteries, peu denses énergétiquement parlant, alors que la voiture hydrogène stocke l’énergie sous forme d’hydrogène gazeux dans un réservoir, et le convertit en électricité via une pile à combustible pour alimenter le moteur. La « conversion » de l’électricité en hydrogène lors de l’électrolyse, puis sa « reconversion » en électricité à bord du véhicule, génèrent des pertes de rendement qui rendent le véhicule hydrogène moins efficace que le véhicule électrique. C’est la raison pour laquelle, pour parcourir une même distance, il faut ~3 fois plus d’électricité pour une voiture hydrogène que pour une voiture électrique.
Cela implique deux choses : d’une part cela coûte plus cher de rouler en voiture à hydrogène qu’en véhicule à batteries (à cause de la quantité d’électricité plus importante) ; et d’autre part, l’empreinte carbone du véhicule hydrogène est 3 fois plus sensible au contenu carbone de l’électricité. Et dans le cas de production d’hydrogène au-dessus du seuil de la taxonomie européenne (ex : électrolyse à partir du mix électrique allemand), le pouvoir décarbonant est même annihilé (-9% vs une voiture diesel).
Conclusion : Il faut réserver son usage pour les transports lourds
Le véhicule hydrogène est donc moins économique, décarbonant uniquement si le mix électrique est très bas-carbone, et très énergivore alors que l’électricité bas-carbone est justement une ressource limitée et déjà en tension aujourd’hui. Il faut donc le réserver son utilisation à certains cas d’usage où les contraintes de rechargement et d’autonomie sont très importantes (lorsque l’utilisateur parcourt quotidiennement plus de 250km par jour par exemple) et dispose d’un temps limité pour recharger son véhicule (moins d’1h disponible), qui justifient d’utiliser un véhicule beaucoup plus énergivore. Et il doit être prêt à assumer un coût (achat et utilisation) plus élevé (+40 % par rapport à l’électrique) et s’assurer de la disponibilité de stations H2 sur son parcours. Concrètement, cela ne concerne que des niches pour les véhicules légers (ex : taxis ou ambulances hors zones urbaines), et plutôt des véhicules lourds pour la longue distance, comme l’indique également l’association France Hydrogène. L’hydrogène bas-carbone étant une ressource limitée, il peut surtout s’avérer plus intéressant pour décarboner certains secteurs tels que la production d’acier ou d'engrais, ou encore le transport aérien et maritime car l’hydrogène est nécessaire pour produire des carburants de synthèse (ou e-carburants) décarbonés (voir article).
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