Formations à la transition écologique pour les entreprises : quels impacts concrets ?
Avant-Propos
En écho à la publication du Shift Project[1] sur la formation des actifs pour la transition écologique de mars 2025, l’Académie Carbone 4 – le pôle formation du cabinet Carbone 4 – s’est intéressée à l’impact généré par ses parcours de formation.
Concrètement, nous nous sommes demandé si les dispositifs mis en place produisaient des effets, et si oui lesquels.
Nous avons ensuite tenté d’identifier des leviers pour amplifier l'impact de la formation.
L’Académie Carbone 4, une position unique dans l’écosystème
Depuis sa création il y a 4 ans, l’Académie Carbone 4 a formé plus de 3500 personnes en situation active, dont 1700 pour les parcours inter-entreprise et 1800 pour les formats sur mesure en entreprise.
Un centre de formation intégré à Carbone 4
Partie intégrante du cabinet de conseil Carbone 4, pionnier des enjeux climat et biodiversité depuis 2007, l’Académie a pour mission de restituer et de diffuser l’expertise unique de Carbone 4 auprès des publics clés de la transition, avec l’objectif de les encapaciter pour agir au sein de leur écosystème.
Dans cette logique, les formations sont assurées par les consultant.es Carbone 4 avec l’appui d’ingénieurs pédagogiques dédiés. Les contenus experts « maison » sont ainsi intégrés dans une trame d’apprentissage spécialement conçue dans une perspective de transformation. Cette combinaison d’expertise et d’ingénierie pédagogique, associant ressources scientifiques, retours terrain, outils méthodologiques et facilitation, permet à l’Académie Carbone 4 de proposer une expérience de formation à forte valeur ajoutée.
Distinguer formation et sensibilisation
Les dispositifs de sensibilisation peuvent se définir comme une démarche destinée à éveiller les consciences et à informer sur les impacts générés par l’homme sur la nature, tandis que les dispositifs de formation professionnelle continue consistent à provoquer le changement des entreprises et des individus vers un modèle bas carbone compatible avec les limites planétaires.
Pour ce faire, la formation s’adresse à un public de métiers et fonctions précises, proposant une montée en compétence sur des savoirs-faires et savoirs-êtres ciblés, mais également sur les outils et méthodologies nécessaires pour conduire les changements opérationnels et stratégiques au sein des organisations.
Sensibilisation et formation ne s’excluent toutefois pas, la première étant le plus souvent une brique de la seconde, tandis que certains acteurs de la sensibilisation peuvent prescrire des actions concrètes à engager dans la sphère personnelle et professionnelle.[2]
Traditionnellement les parcours de sensibilisation se déroulent sur des durées courtes de 3h en moyenne, tandis que les formations se déroulent sur des durées plus longues, allant de 1 jour à plusieurs semaines.
Positionnée sur le segment « Formation », l’Académie Carbone 4 propose des parcours de 16 heures en moyenne, associant formats distanciel et présentiel, en inter-entreprise ou sur site, en entreprises (parcours sur-mesure).
Notre méthodologie d’évaluation de l’impact
Précisons tout d’abord qu’il n’existe pas à ce jour de référentiel commun de mesure d’impact pour les organismes de formation à la transition écologique. Nous nous sommes inspirés de l’impact social – plus avancé dans la culture de bilan[3] – et d’initiatives diverses d’acteurs de notre secteur.
Qu’est-ce que l’impact ?
Évaluer son impact consiste à comprendre, mesurer et valoriser les effets, négatifs ou positifs générés par son organisation sur ses parties prenantes et son environnement[4].
À l’origine, le calcul de l’impact social ou environnemental devait mesurer le rendement social perçu des investissements, tandis que pour le référentiel Qualiopi, l’impact d’une formation est un indicateur d’efficacité du processus après sa sortie pour les apprenant.es.
Recueilli « à froid », c’est-à-dire 3 à 6 mois après la fin de la formation, et contrairement à la mesure « à chaud » de la satisfaction dans les jours qui suivent, il permet d’attester de l’utilité des contenus proposés en s’assurant qu’ils ont provoqué des changements dans les pratiques professionnelles[5].
Avant de mesurer l’impact, identifier son public cible
Étape méthodologique essentielle, la segmentation du public cible va permettre d’affiner les thématiques et les indicateurs d’impact les plus pertinents à collecter par la suite.
Une étude menée par l’Académie Carbone 4 pour le dernier semestre 2024 indique que les apprenant.es des formations inter-entreprise sont à plus de 80% des salarié.es en organisation et pour 19 % des profils « indépendants », consultant.es, enseignant.es, ou des personnes en transition professionnelle.
Pour les salarié·es suivant nos formations, 51% appartiennent à la sphère RSE, 40 % aux métiers hors sphère RSE, arrivent ensuite les consultants indépendants (près de 10%).
Les ETI (entreprise de taille intermédiaire entre 250 et 5 000 salarié.es) et les grandes entreprises (plus de 5 000 salarié.es) de tous secteurs sont les typologies d’entreprises les plus représentées.
Concernant l’échelon hiérarchique, le public des formations au catalogue (inter-entreprises) entre majoritairement dans les catégories middle et top management. Si ce n’est pas forcément un public décisionnaire au niveau stratégie d’entreprise, comme peut l’être la cible dirigeante, elle dispose toutefois d’une marge de manœuvre non négligeable pour préconiser le changement des pratiques dans l’organisation, voire l’initier et le mettre en œuvre dans son périmètre de responsabilité.
On peut dès lors classifier le public cible dans 6 catégories : sphère RSE, échelons direction et middle management ; sphère hors RSE (métiers connexes), échelons direction et middle management ; consultants RSE (indépendants ou en cabinet) ; personnes en reconversion (vers un métier à impact).
On inclut volontairement ici les directions, compte tenu de leur rôle décisif dans la mise en œuvre de la transformation au sein des entreprise – et donc de génération d’impact.
Impact environnemental : que peut mesurer un centre de formation ?
Démarche d’enquête et échantillon
En nous appuyant sur le process de certification Qualiopi et le modèle Kirkpatrick[6] nous avons créé un questionnaire envoyé systématiquement aux personnes sortant des formations au catalogue, trois mois après la fin de leur parcours.
La collecte des réponses s’est étalée de janvier jusqu’au mois d’octobre 2024. Si l’échantillon est encore restreint, il est toutefois représentatif et sera enrichi des prochaines enquêtes menées sur une fréquence hebdomadaire auprès des nouveaux apprenant.es.
Le choix des thématiques et des indicateurs :
Dans le domaine qui nous occupe ici, les critères d’impact peuvent d’abord se mesurer dans le changement et la transformation des pratiques professionnelles de nos apprenant.es.
3 critères ont été retenus :
Les 3 indicateurs clés d’impact
Analyse des résultats
Chiffres clés de notre analyse
Analyse des résultats du critère « utilité »
L’indicateur « utilité » comprend la mobilisation, une fois revenu en poste, des savoir-faire et savoir-être, méthodes, et outils expérimentés durant la formation.
1er chiffre clé : 80% des apprenant.es jugent la formation suivie « utile », dans le sens où elle « sert », en utilisant ses contenus. C’est un résultat prometteur.
Fait marquant de l’analyse d’utilité, le fait que 70% des personnes interrogées saluent l’amélioration de leur connaissance et expertise, et 59% sur la maîtrise des outils et des méthodes diffusés dans nos formations ; ce qui a eu pour effet de renforcer leur capacité d’agir.
Les compétences interpersonnelles ou soft skills ne sont pas en reste, puisque 29% des répondant.es ont pu éprouver leur progrès pour communiquer et influer en interne.
Analyse des résultats du critère « passage à l’action »
2ème chiffre clé : 34% de nos apprenants ont lancé un projet environnemental dans les 3 mois suivant la formation.
C’est également un chiffre encourageant quand on mesure les délais – voire dans certains cas l’inertie – inhérents à toute modification de processus en entreprise.
A contrario, pour les 66% de personnes n’ayant pas encore mis en place un projet, on distingue un bloc de 45 % pour qui l’empêchement est temporaire, quand pour 21% il est vécu comme permanent.
Pour les personnes qui déclarent être passées à l’action, les éléments facilitants les plus récurrents sont les suivants (du plus important au moins important) :
- Compétences acquises pendant la formation faisant partie des attendus du poste occupé
- Collègues et / ou hiérarchie favorable
- Outils donnés durant la formation.
En miroir, les éléments les plus récurrents pour expliquer l’empêchement de passage à l’action sont les suivants (du plus important au moins important) :
- Limites liées au responsabilités occupées ou au cadre des missions
- Collègues et / ou hiérarchie non favorable
- Manque de temps disponible.
À propos des freins, selon une étude sociologique sur la mobilisation écologique des salariés (projet #ECOTAF), « L’appui des dirigeants de l’entreprise est un facteur de succès et d’impact des dispositifs, mais il reste très dépendant à leur sensibilité personnelle à l’écologie. Pour contourner cet obstacle, les salariés moteurs et les responsables RSE insistent dans leur discours sur l’intérêt « business » des actions de mobilisation (ex : image de l’entreprise, avantage sur un marché porteur...). »
Une analyse qui résonne avec une récente table ronde réunissant dans les bureaux de Carbone 4 un panel d’acteur·ices des directions RH et RSE de grandes entreprises, où plusieurs ont souligné parmi les freins à la diffusion des formations (et par répercussion au passage à l’action) l’effet repoussoir de certaines terminologies du « langage RSE » constaté auprès de certains publics.
De fait, il s’avère souvent plus efficace d’intégrer ces enjeux directement dans les parcours métiers, sans nécessairement les estampiller "transition écologique". Un élément clé à prendre en compte, notamment dans le cadre du marketing de l’offre du côté des organismes de formation.
Analyse des résultats du critère « métiers et carrières »
3ème chiffre clé : 69% de nos apprenant.es estiment que la formation a eu un impact sur leur carrière. Ce qui ressort essentiellement : les formations permettent de gagner de l’influence et de l’écoute en interne, elles favorisent les évolutions et mobilités de carrière.
« Ces formations ont contribué à ma prise de poste dans l’équipe RSE. Cela a renforcé ma candidature : mon investissement dans cette formation délivrée par un organisme reconnu et réputé pour son sérieux et sa rigueur a payé. Dans mon quotidien, je sais maintenant par exemple comment on mesure une empreinte carbone, je sais la difficulté qui se cache derrière et cela m’aide beaucoup, même si ce n’est pas moi qui pilote l’empreinte carbone de façon opérationnelle. La partie réglementaire m’a beaucoup aidé à comprendre la complexité des évolutions en cours. Enfin, les ordres de grandeur me seront très utiles pour rechercher les pistes d’actions les plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et convaincre en interne. »
RSE au sein d’un organisme d’assurance*(Pour des motifs de confidentialité, l’auteur de ce témoignage a souhaité rester anonyme)
« Ma formation m’a rendu légitime pour prendre la parole en interne, elle m’a apporté les outils et la confiance en moi. Je n'ai pas changé de poste, mais j’ai obtenu une lettre de mission complémentaire : animateur des fresques du climat et référent Carbone, j’ai également été associé à un travail de recensement des questions récurrentes posées dans le cadre des appels d'offres auxquels nous répondons. Mon projet professionnel à horizon 1 an est d'intégrer ou de créer un comité RSE. »
Fabien Madelenat, ingénieur commercial chez Olympus France.
« La formation a été un élément fondateur pour transposer mes engagements personnels dans le périmètre de l’entreprise. Elle a accompagné mon évolution professionnelle et m’a permis de structurer et construire au sein de la société, une feuille de route sur les enjeux climat intégrant l’ensemble des composantes (atténuation – adaptation - transition). »
Christophe Terrien - Responsable de la performance environnementale et des Enjeux Climat chez ArianeGroup
Conclusion
En écho au rapport du Shift Project sur la formation des actifs face à la transition écologique, on décèle l’influence de certains organes de l’entreprise en matière d’impact, en particulier les directions générales, qui par leur pouvoir de décision ou d'influence constituent un levier déterminant pour impulser des transformations dans l’organisation, conditionnant de ce fait l’impact des formations suivies par les publics du middle management.
Dès lors il apparaît plus que jamais crucial que l’échelon direction « s'approprie les enjeux de son secteur, et puisse développer des compétences transverses comme la pensée systémique et la conduite du changement et des compétences métiers telles que l'élaboration et le pilotage d'une stratégie de décarbonation. »
Les compétences de la transition écologique
Cette représentation en pyramide proposée par le Shift reflète l'ordre traditionnellement souhaitable d'acquisition des compétences. Dans le même principe, l’approche pédagogique déployée par l’Académie Carbone 4 s’attache à restituer des connaissances, outils et méthodes fondamentales sur les thématiques phares de la transition – enjeux climat & biodiversité ; décarbonation ; adaptation – permettant de donner du sens pour faciliter ensuite l'évolution des pratiques métiers, au plus près des réalités du terrain.
Précisant que l'entrée peut se faire par tous les niveaux et que tous les publics n'ont pas nécessairement besoin de se former sur l’ensemble des registres.
Il apparaît également que les métiers connexes à la sphère RSE – lesquels sont amenés à interagir de façon accrue avec la RSE, notamment dans le cadre de leurs obligations de reporting extra-financier – deviennent, en plus des directions générales, des publics clés de la transition. La montée en puissance de ces publics parmi les effectifs formés de notre Académie (40% de publics hors sphère RSE) traduit ainsi une évolution concrète de la transition à l’échelon des pratiques métier. Elle entraîne également une évolution des formations visant à être au plus près des enjeux concrets du terrain, précisément dans une dynamique d’impact.
En somme : le train est en marche.
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