La Taxonomie européenne : pièce centrale de la stratégie réglementaire européenne pour une finance durable
Le 6 juillet 2021, la Commission européenne a publié plusieurs documents qui s’inscrivent dans une série de mesures visant la redirection des flux financiers européens vers des activités plus « durables ». Nous trouvons parmi ces documents la nouvelle stratégie de la commission pour « financer la transition vers une économie durable »[1], une proposition pour le nouveau standard des obligations vertes européennes[2] (le EU Green Bond Standard), ainsi que l’adoption de l’acte délégué supplémentant l’Article 8 du règlement Taxonomie[3].
Le 21 avril 2021, la Commission européenne avait adopté une série de mesures comprenant notamment les actes délégués relatifs au volet climatique de la Taxonomie européenne[4;5], ainsi qu’une proposition de révision de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD pour Corporate Sustainability Reporting Directive, qui se substituera à la NFRD pour Non-Financial Reporting Directive)[6] qui sera nécessaire à la mise en œuvre de la Taxonomie européenne.
La Taxonomie Européenne se trouve donc au cœur de la stratégie de l’Union en matière de finance « durable » : il s’agit d’un projet réglementaire complexe, très ambitieux, dont les modalités d’application seront multiples.
Nous retraçons dans cet article sa genèse et répondons à quelques questions. Quels sont les objectifs de cette Taxonomie européenne ? Comment fonctionne-t-elle ? Quels acteurs seront concernés par son application et quels en seront les usages ? Comment va-t-elle évoluer ?
La genèse de la Taxonomie et ses objectifs
Le développement économique et démographique des sociétés humaines s’est traduit par la croissance des flux énergétiques et matériels. Cette dernière a pour conséquence de nombreux impacts environnementaux, dont le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution de l’air, de l’eau et des sols, la raréfaction de certaines ressources naturelles. Les sociétés humaines sont entrées dans une crise de soutenabilité.
L’Union européenne s’est dotée d’un plan de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre qui devrait la conduire à la « neutralité carbone » à horizon 2050, avec un jalon intermédiaire à -55% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Dans l’étude d’impact de son plan climat[7], la valeur de l’investissement annuel nécessaire à l’atteinte de cet objectif s’élève à €350 milliards. Ce montant est rappelé dans la « stratégie pour financer la transition vers une économie durable », aux côtés des €130 milliards annuels nécessaires à l’atteinte de ses autres objectifs environnementaux. L’investissement public pourrait ne pas suffire à canaliser de telles sommes, et il est donc nécessaire de réorienter les flux financiers privés dans des activités compatibles avec la direction générale prise.
Le 8 mars 2018, la Commission européenne a communiqué son « plan d’action pour financer la croissance durable[8] ». Le 1er élément de ce plan d’action est la création d’une Taxonomie européenne.
Le terme utilisé dans les documents officiels est « taxinomie » (formé sur le grec nómos (loi, règle), ce qui concerne les questions de classification, alors que la taxonomie qui est formée sur le grec ónoma (nom), se rapporte aux questions de nomenclature, et qui est donc plutôt une instance de classification. Le terme de Taxonomie a été largement repris, même en français, et pour des raisons de lisibilité nous utiliserons donc « Taxonomie ».
La Commission européenne a donc chargé un groupe d’experts pour la finance durable (Technical Expert Group, ou TEG, fort de 35 membres) d’élaborer une première version de la Taxonomie axée sur les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Ce groupe a rendu son rapport final[9] en mars 2020. Ce rapport contient des recommandations relatives à la conception générale de la Taxonomie européenne, ainsi que des conseils sur la manière dont les entreprises et les institutions financières peuvent (et devront) publier des informations en utilisant la Taxonomie. Il contient une proposition d’activités économiques couvertes ainsi que des critères techniques permettant d’évaluer la durabilité d’une activité.
Carbone 4 était représenté au TEG (Technical Expert Group) par Jean-Yves Wilmotte[10], manager responsable de la pratique finance de Carbone 4. Le TEG avait pour mandat d’aider la Commission européenne à élaborer :
- Un système de classification - la Taxonomie européenne – permettant de déterminer si une activité pouvait être considérée comme « durable » sur le plan environnemental ;
- Le développement d’un standard d’obligations vertes (EU Green Bond Standard) ;
- Le développement d’indices de marché alignés avec les accords de Paris ;
- Le reporting des entreprises qui doit alimenter la transparence nécessaire à la mise en œuvre de toutes les autres initiatives du secteur financier.
C’est sur le troisième point, les indices climatiques, Climate Transition Benchmarks (CTB) et Paris-Aligned Benchmarks (PAB) que Jean-Yves Wilmotte a particulièrement travaillé.
Le Règlement Taxonomie (UE) 2020/852[11] a été publié au Journal Officiel de l’Union Européenne en juin 2020. Ce règlement, à la différence d’une directive, s’applique directement à tout acteur européen, sans avoir besoin d’une transposition dans le droit des États membres.
En octobre 2020, la Plateforme Européenne sur la Finance Durable a été mise en place et a pris le relai du groupe d’experts (TEG) dans l’élaboration de la Taxonomie ; elle a notamment pour rôle de contribuer à définir les critères techniques qui seront finalement utilisés, ainsi que la revue continue du Règlement Taxonomie. La Plateforme a publié son premier rapport[12] en mars 2021.
Quel est le fonctionnement de cette taxonomie ?
L’objectif de la Taxonomie européenne est la création d’un système de classification de ce qui est considéré comme « durable » d’un point de vue environnemental et social. Elle crée un cadre et des principes pour évaluer les activités économiques à l’aune de six objectifs environnementaux.
Elle définit des critères d’examen technique pour chaque activité économique, afin de déterminer si celles-ci peuvent être considérées comme « durables ». À noter que l’esprit de la taxonomie est d’établir une qualification des activités, et non des actions : autrement dit, une activité est considérée comme « durable » en tant que telle, indépendamment du fait qu’elle se substitue à une autre activité moins « durable », ou bien qu’elle s’y ajoute.
Son fonctionnement est le suivant : une activité peut être considérée « durable » si elle contribue substantiellement à l’un des six objectifs environnementaux, sans causer de préjudice important à l’un des cinq autres objectifs. Une activité doit également respecter des critères sociaux basiques pour être considérée comme « durable » (alignement sur les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme).
La Taxonomie européenne est probablement le projet de réorientation des flux financiers le plus complexe jamais créé. Cela demande d’identifier et d’évaluer l’ensemble des activités au sein d’une économie et de déterminer si cette activité peut être « durable ». Dans la version adoptée le 21 avril de l’acte délégué relatif à l’atténuation, des critères d’examen technique sont précisés pour 88 activités.
Les activités utilisant le gaz naturel et le nucléaire comme vecteurs énergétiques sont l’objet d’intenses discussions non encore terminées, et ne figurent pas dans les premiers actes délégués. Ces activités feront l’objet d’un acte délégué spécifique.
De plus, la Taxonomie différencie plusieurs « nuances de vert » lors de l'évaluation de la contribution substantielle à l'atténuation :
Comme nous l'avons vu, les activités « durables » contribuent donc substantiellement à l’un des six objectifs environnementaux, sans causer de préjudice important à l’un des cinq autres objectifs, tout en respectant des critères sociaux basiques.
Ainsi, la production d’électricité par une centrale hydroélectrique peut être une activité considérée comme « durable » si elle satisfait à l’un des critères de contribution substantielle suivants :
(a) l’installation de production d’électricité est une centrale au fil de l’eau et ne dispose pas de réservoir artificiel ;
(b) la densité de puissance de l’installation de production d’électricité est supérieure à 5 W/m2 ;
(c) les émissions de GES tout au long du cycle de vie de la production d’électricité par une centrale hydroélectrique sont inférieures à 100g équivalent CO2e/kWh.
L’activité de production d’électricité par une centrale hydroélectrique doit également ne pas causer de préjudice important à l’un des cinq autres objectifs, tout en respectant les critères sociaux basiques pour être considérée comme « durable ».
Le seuil de 100gCO2e/kWh se retrouve généralement dans les autres modes de production et de transmission électrique.
L’activité de collecte et de transport de déchets non dangereux peut être une activité considérée comme « durable » si elle satisfait aux critères de contribution substantielle suivants :
(a) Les déchets doivent être triés à la source et collectés séparément ;
(b) les déchets doivent être destinés à des opérations de réemploi ou bien de recyclage.
L’activité de collecte et de transport de déchets non dangereux doit également ne pas causer de préjudice important à l’un des cinq autres objectifs, tout en respectant les critères sociaux basiques pour être considérée comme « durable ».
Les activités « transitoires » sont les activités pour lesquelles il n’existe pas d’alternative bas-carbone économiquement ou technologiquement viable, et peuvent être considérées comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique lorsque ces activités :
« a) présentent des niveaux d’émission de gaz à effet de serre qui correspondent aux meilleures performances du secteur ou de l’industrie ;
b) n’entravent pas le développement ni le déploiement de solutions de remplacement sobres en carbone ;
c) n’entraînent pas un verrouillage des actifs à forte intensité de carbone, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs. »
Ainsi, l’activité de transport ferroviaire interurbain de voyageurs peut être considérée comme « durable » si :
(a) Ses émissions directes de CO2 (à l’échappement) sont nulles ; [c’est-à-dire des trains 100% électriques ou fonctionnant à l’hydrogène].
Elle est considérée comme « transitoire » si :
(b) Ses émissions directes de CO2 à l’échappement sont nulles sur une voie équipée de l’infrastructure nécessaire, et qu’un moteur conventionnel est utilisé lorsqu’une telle infrastructure n’est pas disponible (bimodal) ; [c’est-à-dire des trains électriques lorsque la ligne dispose de caténaires et diesel sinon].
L’activité de transport ferroviaire interurbain de voyageurs doit également ne pas causer de préjudice important à l’un des cinq autres objectifs, tout en respectant les critères sociaux basiques pour être considérée comme « transitoire » ou bien « durable » (en fonction du critère de contribution substantielle).
L’activité de production d’aluminium primaire peut également être une activité considérée comme « transitoire » si elle répond à deux des trois critères de contribution substantielle suivants jusqu’en 2025 et à tous les critères de contribution substantielle suivants après 2025 :
(a) les émissions de gaz à effet de serre (sur le périmètre définis dans le cadre du système d’échange des quotas d’émissions de gaz à effet de serre) ne dépassent pas 1 484tCO2 par tonne d’aluminium liquide non allié, soit la valeur moyenne des 10% d’installations les plus efficaces ;
(b) l’intensité carbone des émissions indirectes liées à l’électricité (scope 2) ne dépasse pas le seuil de 100gCO2e/kWh ;
(c) la consommation d’électricité pour le processus de fabrication ne dépasse pas 15,5MWh par tonne d’aluminium.
L’activité de production d’aluminium secondaire peut être directement considérée comme « transitoire » : le fait que l’aluminium produit est secondaire dispense l’activité de critère de contribution substantielle.
L’activité de production d’aluminium primaire ou secondaire doit également ne pas causer de préjudice important à l’un des cinq autres objectifs, tout en respectant les critères sociaux basiques pour être considérée comme « transitoire ».
Il y a 21 activités « transitoires ».
Les activités « habilitantes » sont les activités qui permettent à d’autres activités qu’elles-mêmes de contribuer à l’atteinte d’un des six objectifs environnementaux, et peuvent être considérées comme contribuant substantiellement à l’un des six objectifs environnementaux dès lors que ces activités :
a) n’entraînent pas un verrouillage dans des actifs qui compromettent des objectifs environnementaux à long terme, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs ;
b) ont un impact environnemental positif significatif sur la base de considérations relatives au cycle de vie.
Ainsi, la construction d’infrastructures pour la mobilité des personnes est une activité « habilitante », dès lors qu’elle est destinée à la mobilité active (marche, vélo…), ou bien à la recharge électrique ou le réapprovisionnement en hydrogène.
Il y a 24 activités « habilitantes ».
Il est utile de préciser que les activités « transitoire » et « habilitantes » peuvent contribuer substantiellement à l’un des objectifs environnementaux et à ce titre, être qualifiées de « durables ». In fine, la qualification de « durable » est l’objectif principal de la taxonomie. La qualification des activités « transitoire » et « habilitantes » parmi les activités « durables » fera simplement l’objet d’une mention dans le reporting de ces activités.
Des modalités d’application très vastes
Le règlement Taxonomie sera appliqué de manière transverse, dans le cadre de plusieurs réglementations et initiatives que nous allons évoquer dans cette partie. Il convient de distinguer les modalités d’application obligatoires, que les acteurs concernés devront respecter, et volontaires, qui ne seront pas imposées mais qui joueront un rôle dans la structuration du marché de la finance « durable ».
Les usages obligatoires :
Reporting dans le cadre de l’Article 8 du Règlement Taxonomie :
Les entreprises sujettes aux exigences de reporting extra-financier dans le cadre de la directive sur la publication d'informations non financières (NFRD, remplacée par la CSRD, voir note 6) sont les entités d’intérêt public (voir Encadré) de plus de 500 salariés et ces mêmes entités sont celles sujettes aux exigences de reporting dans le cadre de l’Article 8 du Règlement Taxonomie.
Les sociétés concernées (voir Encadré) devront publier les informations suivantes :
- La part de leur chiffre d’affaires provenant de produits ou de services associés à des activités économiques pouvant être considérées comme « durables » (les activités « transitoires » et « habilitantes » sont distinguées).
- la part de leurs dépenses d’investissement (CapEx) et la part de leurs dépenses d’exploitation (OpEx) liée à des actifs ou à des processus associés à des activités économiques pouvant être considérées comme « durables » (les activités « transitoires » et « habilitantes » sont distinguées).
Une proposition de révision de la NFRD (pour Non-Financial Reporting Directive), se nommant CSRD (pour Corporate Sustainability Reporting Directive) a été publiée en même temps que les actes délégués pour l’atténuation et l’adaptation. Elle propose d’étendre le champ d'application de ces obligations à toutes les entités d’intérêt public et sans application du seuil de 500 salariés ni admission des titres sur un marché réglementé qui prévalaient dans la NFRD ; ainsi qu’aux PME cotées (à l'exception des microentreprises). Le nombre d’entreprises couvertes passerait donc de 11 000 à environ 50 000. Des exigences plus légères s’appliqueraient cependant aux plus petites entreprises.
Les entités d’intérêt public sont les établissements de crédit, les entreprises d’assurance et de réassurance, les institutions de prévoyance, les mutuelles, les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, certaines sociétés qui ont un bilan consolidé ou combiné supérieur à 5 milliards d’euros.
Les sociétés financières devront également publier ces éléments appliqués à leurs encours (sociétés d’investissement), leur bilan (établissements de crédit), ou portefeuille de souscription (compagnies d’assurances). L’acte délégué lié aux modalités précises de l’application de l’Article 8 du Règlement Taxonomie fait partie des documents publiés le 6 juillet 2021.
Cette obligation de reporting s’appliquera dès janvier 2022 sur la base de l’exercice 2021 pour les deux premiers objectifs environnementaux (atténuation et adaptation), puis dès janvier 2023 sur la base de l’exercice 2022 pour les quatre autres objectifs environnementaux.
Dans un second temps, des indicateurs clés de performance (KPIs) accompagnant et précisant ces obligations de reporting devront être publiés par les entreprises (janvier 2023 sur la base de l’exercice 2022) et les institutions financières (janvier 2024 sur la base de l’exercice 2023).
Reporting dans le cadre des Articles 5 à 7 du Règlement Taxonomie
La règlement Taxonomie fait un renvoi au sein de ses articles 5 à 7 vers le règlement « Disclosure » ou SFDR[13] (Sustainable Finance Disclosure Regulation).
Les produits financiers couverts par ce Règlement Disclosure, devront publier un reporting approprié, décrit ci-dessous.
Les produits financiers au sein du règlement Disclosure se classifient de la façon suivante :
Les produits dits Article 9 (numéro de l’article du règlement Disclosure qui les caractérisent), les plus ambitieux, sont ceux ayant un objectif d’investissement durable.
Les produits dits Article 8 sont ceux intégrant des caractéristiques sociales ou environnementales.
Les autres produits, dits Article 6, sont les produits financiers ne visant pas d’objectif d’investissement durable ou d’intégration des caractéristiques environnementales ou sociales.
Le règlement Taxonomie prévoit donc que les produits financiers ayant un objectif d’investissement durable (Article 9 au sein de la SFDR) et les produits intégrants des caractéristiques environnementales ou sociales (Article 8 au sein de la SFDR), devront faire l'objet de la publication des informations suivantes :
- Les informations relatives à la contribution des investissements sous-jacents au produit financier à l’un ou plusieurs des six objectifs environnementaux ;
- Une description de la façon et de la mesure dans laquelle les investissements sous-jacents au produit financier sont effectués dans des activités économiques pouvant être considérées comme « durables », c’est-à-dire la part du portefeuille aligné avec la taxonomie.
Le règlement Taxonomie prévoit également que les produits financiers ne visant pas d’objectif d’investissement durable ou d’intégration des caractéristiques environnementales ou sociales (Article 6 au sein de la SFDR) en fassent l’objet d’une déclaration précise.
Les usages volontaires :
Au-delà des exigences de reporting obligatoire très large, le Règlement Taxonomie sera également utilisé de manière volontaire par le marché, dans le cadre de la création de solutions d’investissement. Le 2ème élément du « plan d’action européen pour financer la croissance durable » consiste à créer des normes et des labels pour les produits financiers « verts ». Ainsi, la norme des obligations vertes et la possibilité d’utiliser le cadre du label écologique de l’UE (l’Ecolabel) pour certains produits financiers à destination des particuliers font partie des usages volontaires de la Taxonomie européenne.
Les obligations vertes, ou le EU Green Bond Standard
Le marché des obligations vertes s’est fortement développé ces dernières années. Ces obligations requièrent une définition de ce qui peut être considéré comme vert. Cependant, les définitions sur lesquelles s’est appuyé ce marché (par exemple celle des Green Bond Principles) sont nettement moins exhaustives et ambitieuses que la Taxonomie européenne. Le Groupe d’Experts (TEG) a ainsi recommandé en juin 2019[14], puis en mars 2020[15], l’utilisation de la Taxonomie européenne dans le cadre de l’émission d’obligations vertes.
Il s’agit notamment de renforcer la transparence vis-à-vis des parties prenantes et en particulier des acteurs financiers qui investissent dans des obligations vertes en fournissant des lignes directrices sur :
- Les activités éligibles
- Les principes à respecter
- Les indicateurs à suivre
- Le reporting
- Le respect des DNSH (pour Do No Significant Harm, i.e. ne cause de préjudice important à aucun autres des objectifs environnementaux)
- Les objectifs environnementaux poursuivis par l’obligation verte au sens de la taxonomie
Sur la base d’une étude d’impact et d’une consultation publique[16], qui ont été tenues en 2020, la Commission européenne a donc rendu sa proposition pour son nouveau standard pour les obligations vertes européennes.
Le standard sera ouvert aux émetteurs européens et extra-européens, qu’ils soient des entreprises, des États, des institutions financières. Ce standard requiert notamment que 100% des fonds levés respectent les exigences de la Taxonomie européenne pour pouvoir appeler l’obligation correspondante une « obligation verte européenne ». C’est donc un élément structurant et fort vers une standardisation du marché des obligations vertes basé sur la Taxonomie européenne.
Ecolabel
L’utilisation de labels peut permettre d’améliorer la lisibilité de certains produits financiers, notamment à destination des investisseurs particuliers.
Parmi les labels utilisés actuellement pour la promotion des produits financiers (comme des fonds d’investissement), nous trouvons :
- En France : le label ISR, le label GreenFin.
- En Europe : les labels LuxFlag Climate Finance et LuxFlag Environnement, Nordic Swan Ecolabel, Towards Sustainability.
Le projet d’Ecolabel consisterait à labelliser des fonds dont les investissements sous-jacents contribueraient aux objectifs environnementaux précisés dans la Taxonomie européenne. Un « score Taxonomie », ou d’alignement avec la Taxonomie, serait calculé au niveau du fonds à l’aide de la part de financement des sociétés dont le chiffre d’affaires ou les dépenses d’investissement seront considérés comme « durables » par le Règlement Taxonomie. Ce label a donc le potentiel de permettre à un fonds l’obtenant d’afficher de façon lisible sa contribution à la « durabilité » telle que définie par la Taxonomie.
Il est possible de consulter les propositions actuellement sur la table de cet Ecolabel dans son 4ème rapport technique[17].
La publication finale de l’Ecolabel pour les produits financiers à destination des particuliers est prévue pour la fin de l’année 2021.
Un net renforcement des exigences de reporting en matière de durabilité pour les entreprises et les institutions financières devrait induire une plus grande disponibilité des données liées à la durabilité de l’activité des entreprises. Ces nouvelles données pourraient permettre un développement de ces usages volontaires qui ont le potentiel de structurer largement le marché des produits financiers autour de la Taxonomie européenne.
La Taxonomie européenne est en cours de finalisation : les actes délégués relatifs à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique et l’acte délégué précisant les modalités d’application obligatoires sont déjà publiés, ainsi que la proposition de norme EU Green Bond Standards. La version finale de l'Ecolabel devrait voir le jour d’ici la fin 2021. Les actes délégués concernant les quatre autres objectifs environnementaux visés par le règlement Taxonomie devraient être publiés en 2022.
Les critères d’examen technique permettant d’évaluer la durabilité des activités seront révisés tous les trois ans par la Plateforme Européenne sur la Finance Durable (la première révision est annoncée pour juillet 2022).
La Taxonomie jouera un rôle central dans la stratégie de l’Union en termes de finance durable. Elle sera utilisée comme référence par d’autres initiatives, comme le dispositif Benchmark[18] (certains composants des indices seront exclus s’ils portent préjudice à l’un des objectifs environnementaux), le programme d’investissement européen InvestEU[19] (qui intégrera progressivement des exigences en lien avec la Taxonomie), ainsi que les obligations fiduciaires, de conseil en investissement et en assurance[20].
Vers une Taxonomie brune ?
La transformation de l’économie indispensable à l’aune du changement climatique nécessite une orientation des financements et investissements vers des activités plus durables. Elle nécessite également un large désinvestissement concernant les activités les moins durables, reposant sur l’utilisation des énergies fossiles, responsable de la crise de soutenabilité que nous vivons et qu’il est urgent d’arrêter. L’accord politique du Règlement Taxonomie contient ainsi une clause assignant la tâche à la Commission de prévoir dans un rapport dans quelle mesure la Taxonomie européenne pourrait être étendue à une Taxonomie décrivant les activités les plus nuisibles (Taxonomie « brune »), ainsi que les activités à faible impact environnemental.